lundi 21 février 2022

Possession


Emportée par les Kinra Girls, sa série à succès publiée chez PlayBac, Moka était-elle sur le point d’oublier qu’elle avait excellé naguère dans les romans qui font peur comme Cela, L'enfant des ombres, La marque du diable, où elle cultivait des ambiances fantastiques et angoissantes ? Eh bien, je peux vous rassurer, elle a retrouvé la mémoire et nous donne avec Possession de quoi troubler à nouveau nos nuits et peupler nos cauchemars, en revisitant le thème de la maison maléfique.

Quand le roman commence, Malo, son jeune héros malgré lui, est raccompagné dans sa famille par sa mamie. On apprend qu’il vient de passer deux mois à dormir dans une maison de repos et on se demande d’emblée quel traumatisme a-t-il subi qui a justifié ce traitement. Avant de quitter la voiture, sa grand-mère lui fait comprendre à mots couverts qu’il ne devra plus parler chez lui de Lutèce, la sœur jumelle de Clélia. Ils étaient cinq, ils ne sont plus que quatre et tout le livre va tourner autour des circonstances mystérieuses de la mort de Lutèce.

En réintégrant sa famille, sa maison, Malo sent que plus rien ne sera comme avant. En apparence, pourtant, la vie familiale reprend normalement et Malo retourne à l’école. Mais il voit bien que ses camarades de classe le regardent bizarrement et n’osent plus lui parler. Heureusement, il y a Alice, dite Al car elle déteste son prénom. Elle a dix ans comme lui, elle est directe, elle peut tout entendre et surtout elle a envie de tout comprendre. Leur amitié va se nouer en quelques échanges sincères qui vont libérer Malo de la chape de silence que les siens font peser sur lui.

Par petites touches l'autrice nous fait comprendre que c'est la maison même qui menace Malo et singulièrement sa chambre où les manifestations étranges  se multiplient.. Le lecteur ne sait pas trop ce qu'il doit croire. Malo ne serait-il pas victime d'hallucinations ? N’est-il pas un peu fou comme semble le penser la plupart de ses camarades ? Les comportements de ses parents et de sa sœur  Clélia se dérèglent peu à peu, ils instaurent un confinement qui se resserre autour de Malo. Lui voudrait au contraire fuir cet endroit de plus en plus inquiétant. 

Alors que le piège domestique se referme sur Malo, son amie Alice ne va pas l'abandonner. Elle incite sa grande demi-sœur Charlotte dite Chacha, apprentie journaliste, à mener l'enquête sur cette étrange maison, sise dans une rue dont le nom énigmatique, « Roue d'abandon », pourrait bien fournir la raison d'une ancienne malédiction. Dans ses recherches, Charlotte va être épaulée par un garçon aussi érudit que séduisant, Gatien Renard, vrai rat de bibliothèque qui a ses entrées partout. Les deux jeunes gens ne vont pas lâcher l'affaire, pas plus que la maison maudite ne va relâcher son étreinte sur ses occupants. Qui va gagner ?

Extrait lu :


 
Possession – Moka – l’école des loisirs – 2022 (189 pages, 14 €)



lundi 7 février 2022

Terre promise



     En 2019, Marion Brunet nous avait donné Sans foi ni loi, un western qui invitait le genre en littérature jeunesse chez l’éditeur Pocket Jeunesse. En 2021, c’est Philippe Arnaud qui s’attaque à l’Amérique des années 1870, celle qui n’est pas encore tout à fait remise de ce que nous nommons la guerre de Sécession et que les Américains appellent la Civil war, la guerre civile.

Philippe Arnaud, nous le connaissons. En 2019, il avait publié La proie, un récit d’esclavage moderne entre Cameroun et France. Cette fois, avec son nouveau roman Terre promise, paru chez Sarbacane, il nous dépayse au Kansas, dans un trou paumé et bien mal-nommé, New Hope, « nouvel espoir ».

Quand Jim Lockheart y débarque sur son cheval Stormy, il se fait désarmer d’entrée de jeu par le shérif du lieu, auquel – c’est la règle locale - tous les visiteurs doivent confier leur arme, le temps de leur visite. Jim y consent bon gré mal gré, sauf qu’il s’aperçoit que celui qui vient de le désarmer est … une femme. Une femme shérif ! On aura tout vu chez les Yankees.

Son cœur de jeune confédéré Sudiste, légèrement sexiste, s’en indigne mais un deuxième choc culturel l’attend au bar, quand il découvre que celui-ci est tenu par un Noir, Louis. Car Jim est également raciste. D’ailleurs, s’il est là, c’est qu’il poursuit depuis sa Géorgie natale un ancien esclave de la plantation de son père, pour une raison que l’on découvrira au fil des pages.

Pour l’heure, la belle Ellen, shérif teigneuse et bonne gâchette, et Louis le barman débonnaire s’interrogent sur les motivations de ce nouveau venu qui n’imagine pas que sa haine et son mépris puissent être percés à jour par cette petite blonde et ce gros Noir. Jim sent que sa traque touche à son terme, mais prend un boulot qui lui sert de couverture pour éviter les questions de « la » shérif.

Peu à peu, à coups de retour en arrière – d’analepses dit-on quand on veut éviter l’anglais flashback - Philippe Arnaud nous éclaire sur le passé de Jim, d’Ellen et de Louis. Leurs portraits s'affinent et s'affirment. Les trois personnages principaux se fréquentent, se jaugent mutuellement, et un courant de sympathie, pour lui contre nature, entraîne irrésistiblement Jim vers cette femme et vers Louis, tandis qu’il garde encore le secret de sa quête mortifère : un désir de vengeance qui le ravage intérieurement.

De ce cœur verrouillé à double tour, Ellen et Louis vont trouver les clés. Juste à temps pour faire face ensemble à l’arrivée d’un chasseur de primes féroce et sadique, surnommé Wild Blood, un écorcheur qui sème la terreur partout où il passe et qui recherche le même homme que Jim.

C’est cet ultime combat qui va permettre à Jim de choisir entre les démons de son passé et ce dont il n’osait plus rêver depuis longtemps : un chemin possible vers une terre promise, celle d’une nouvelle alliance, et, qui sait, d’un amour.

Terre promise tient ses promesses. Philippe Arnaud nous emmène dans un Ouest qui n’a rien de terne et où tous les problèmes contemporains des États-Unis ont leurs causes et leurs racines. Il y a même quelques Indiens dans le décor. Et en dehors de l’affreux de la fin qui fait tourner le roman en thriller, tous les personnages s'avèrent être aussi complexes qu'attachants.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:27) :


Terre promise de Philippe Arnaud est publié chez Sarbacane dans la collection jeune adulte Exprim X’ (297 pages, 17 €)



Les Mille vies d'Ismaël

 C'est un peu étrange de penser qu'on est au bout de sa vie alors même qu'on ne l'a pas encore commencée. C'est pourtant...