lundi 18 juillet 2022

Portrait au couteau



"Comme un envol d'oiseaux dans le ciel"... La jeune fille à la carnation opaline qui pose nue pour l'atelier Kolodine porte une curieuse cicatrice sous le sein gauche, cinq "v" comme des oiseaux dessinés par une main d'enfant. Travaillant côte à côte, Antonin et Elisabeth s'interrogent en chuchotant sur cette étrange particularité de leur modèle, qui a sensiblement leur âge.

Quand Antonin visite le musée d'Orsay quelque temps plus tard, il ne s'attend pas à retrouver le modèle de l'atelier en face d'un tableau peint en 1910 par un certain Odilon Voret. Le titre du tableau : Le cœur déchiré. Mais ce qui arrête le regard d'Antonin, c'est que la jeune femme représentée, jetée au sol, porte un couteau fiché dans son corsage blanc, à côté des mêmes quatre cicatrices superposées que le modèle semble contempler tout aussi fasciné.

Poussé par la curiosité, Antonin aborde la jeune femme qui le reconnaît comme un des élèves dissipés pour qui elle posait. Elle se prénomme Flavie et le peintre exposé, Odilon Voret, est son aïeul. La mère de Flavie, sa grand-mère ont porté les mêmes cicatrices. Et Flavie s'interroge sur ce qui la relie encore aujourd'hui à la jeune fille assassinée du tableau, lien qui ressemble à une malédiction jetée sur la lignée féminine du peintre. D'autant que ce tableau est le premier et le dernier grâce auquel Odilon Voret, artiste plutôt médiocre, a connu un succès aussi inexplicable qu'éphémère.

De musée en café, les deux jeunes gens sympathisent et se retrouvent chez Flavie. Elle montre à Antonin le seul héritage qu'elle ait recueilli de son ancêtre : un coffret contenant quelques coupures de journaux des années 1910, d'autres bricoles et surtout deux pinceaux lui ayant appartenu, qui portent encore des traces de couleur aussi bizarres que leurs poils. 

Malika Ferdjoukh entraîne ses jeunes personnages - et ses lecteurs et lectrices - dans une aventure sentimentalo-fantastico-policière, à cheval sur deux époques. En enquêtant avec Flavie, Antonin découvre que la jeune morte du tableau pourrait être le double artistique d'une vraie victime dont l'assassin n'a jamais été identifié. Et il va se trouver possédé par des forces paranormales venues de ce passé irrésolu.

Pendant ce temps, les demoiselles qui l'entourent exercent sur lui les forces bien présentes et bien normales du sentiment amoureux naissant. Antonin est attiré par Flavie, Elisabeth en pince pour Antonin qui a aussi un grand frère, Jasper, qu'il va présenter aux deux jeunes femmes. La vérité sentimentale va cheminer, elle aussi. Ses péripéties allègent de façon heureuse l'élucidation de ce "cold case" vieux d'un siècle, dont le récit tragique, qui ouvre le roman, ressuscite brillamment le Paris populaire et bourgeois de la Belle Époque.

Pour écouter cette chronique ( extrait lu à 03:01) :


 Portrait au couteau - Malika Ferdjoukh - Bayard - 2022 (235 pages, 13,90 €)

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