jeudi 4 février 2016

La guerre des mercredis

Un ado vitaminé !



Assigné à lire des pièces de Shakespeare et à les restituer tous les mercredis après-midi, pendant que ses camarades se rendent, qui à la synagogue, qui au catéchisme, le jeune Holling Hoodhood, seul de son espèce presbytérienne semble condamné à un drôle de tête-à-tête avec Miss Baker pendant toute l’année scolaire 1967-1968. Que lui veut cette étrange professeure dont le mari vient d’être expédié au Vietnam avec la 101e Division aéroportée ? A-t-elle jeté son dévolu sur Holling pour en faire son souffre-douleur ? Une sorte d’attachement méfiant se noue pourtant au fil des semaines entre l’élève et l’enseignante.

Holling ne comprend pas trop non plus ce qui se trame avec Mery Lee, cette fille de sa classe qui semble se rapprocher dangereusement de lui. Pour son malheur, Holling a aussi une famille normalement aimante : un père, l’architecte le plus coté de Long Island, qui a déjà décidé que son fils lui succéderait, une grande sœur très Flower Power qui rue dans les brancards et n’a pas trop envie d’être vue avec son débile de petit frère et une mère qui, comme toutes les mères, essaie de faire tampon entre tout ce petit monde…

Les choses vont encore se compliquer pour Holling quand il va devoir, sous peine de mort, fournir toute sa classe en choux à la crème de chez Goldman avec seulement 3,29 $ d’argent de poche, sans oublier de nettoyer la litière de Sycorax et Caliban, les deux énormes rats en cage de la 5ème, qui n’aspirent qu’à la liberté. Bref, la vie de collégien, même enrichie de citations de Shakespeare, n’est pas de tout repos. D’autant que pendant ce temps-là, l’Amérique rapatrie tous les jours les cercueils d’une jeunesse embourbée dans une guerre lointaine et sans issue et que, dans le silence de la haine raciale et des complots politiques, les destins parallèles de Martin Luther King et de Bob Kennedy vont être scellés.


Gary H Schmidt réussit un roman d’apprentissage extrêmement drôle jusque dans sa gravité. Holling Hoodhood nous aspire irrésistiblement dans sa vie quotidienne. Son tendre fatalisme et sa vitalité désespérée ne sont pas sans rappeler celles d’un autre pré-ado célèbre en France, l’Émilien de Marie-Aude Murail. Émotions et fous rires garantis. Bravo aussi à la traductrice, Caroline Guilleminot, qui a su rendre avec une précision millimétrée un récit au « je » sous understatement permanent.

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