vendredi 14 août 2020

Sidonie Souris

 



Avant de s'exclamer "je sais lire !" puis "j'aime lire !", il arrive que l'enfant qui commence à suivre des yeux l'histoire que lui lit à voix haute un plus grand se dise à voix basse "je peux lire". C'est en tout cas l'argument de la collection lancée récemment par l'école des loisirs sous l'appellation Moucheron, qui étend la gamme des Mouche en direction de ces apprentis-lecteurs, qui se retiennent au bord du plaisir de pouvoir enfin lire tout seuls, peut-être pour profiter encore de la voix de papa ou de maman.

Clothilde Delacroix, qui nous a déjà ravi des aventures de Lolotte, chez Loulou et Cie, croque une merveilleuse famille souris dans Sidonie Souris. Sidonie a un petit frère Tilly, et bien sûr un papa et une maman, très absorbés dans les soins du ménage. Papa bricole et maman cuisine, Tilly joue et Sidonie... écrit. Elle passe son temps à se raconter des histoires jusqu'au jour où, patatras, elle tombe en panne d'inspiration : "Rien. Zéro. Nada". Heureusement, maman va avoir une excellente idée pour la tirer de son ennui naissant...

J'ai bien aimé : l'intérieur rose des pavillons d'oreille des souris, les yeux bleus des filles et jaunes des garçons, l'usage débrouillard et décoratif des ressources de la nature, la confiance de la maman envers sa fille, l'aplomb de l'intrépide Sidonie tout au long de ce petit album d'apprentissage. Longue vie à la famille Souris puisqu'on espère bien que ce premier opus inaugure une nouvelle souris... euh, pardon, une nouvelle série ! 

Pour écouter cette chronique (l'histoire - sans les images ! - est lue à partir de 01:59) :



Sidonie Souris - Clothilde Delacroix - l'école des loisirs, coll. Moucheron - 2020 (45 pages, 6 €)


vendredi 7 août 2020

À corps parfait

Le miroir et l'assiette*


Au Muscadier, la collection Rester vivant, propose des livres « à thèmes ». Redoutable défi pour un auteur ou une autrice. Peut-on écrire un roman à partir d’une idée, d’une thématique, au risque de ne produire qu’un squelette d’histoire sans chair ? A fortiori, s’il est question d’anorexie…

Ce défi, Vinciane Moeschler le relève dans À corps parfait, dont le titre sonne comme un dicton. À corps parfait… rien d’impossible ?  En suivant les quatre saisons d’Audrey, 15 ans, d’un automne à l’autre, l’autrice retrace l’itinéraire singulier d’une funambule de la vie aussi mince que le fil sur lequel elle évolue. Tombera, tombera pas ? Audrey la belle et bonne élève fascine Anton, le tchéco-cubain. Elle l’effraie aussi, du moins le combat qui se livre en elle et dont il perçoit les échos assourdis ou éclatants selon les jours et les humeurs. Pas facile, la miss, avec sa volonté de fer. Arrivera-t-il à lui donner la main et elle, à la saisir ?

Audrey triche. Fait semblant de manger et court aux toilettes se faire vomir. Écrit des haïkus. Audrey ment. Elle fait sa gentille aussi, pour amadouer son entourage et le manipuler. À ce régime (amical), elle pourrait avoir fait le vide autour d’elle et se retrouver seule. Heureusement, il y a Manon qui a pour toutes les circonstances de la vie une sentence du Dalaï lama à administrer, les parents d’Anton, modestes mais chaleureux, qui accueillent Audrey sans restrictions, quoiqu’un peu intrigués. Et puis Anton, bien sûr, qui ne sait pas toujours sur quel pied danser avec cette brindille qui semble prête à casser et jamais ne rompt, animée par une énergie surhumaine qu’elle puise on ne sait où. Alors Anton continue à danser, fidèlement, devant sa belle qui le fait parfois tourner en bourrique. En cas de blues, il peut heureusement compter sur Moka, un grand basketteur sénégalais, qui a lui aussi son jardin privé.

C’est évidemment du côté de la famille d’Audrey que se portent tous les regards et toutes les interrogations. Un petit frère, une mère brillante journaliste et grand reporter, un père business planner toujours fourré chez les Japonais, donc au total des parents très absents. Mamie est là, heureusement. Mais Audrey ne sait pas pourquoi sa mère refuse obstinément qu’elle voie son grand-père, qui n’est pas vraiment son grand-père. Ce papi tabou, que cache-t-il ? Est-ce vraiment dangereux d’aller chez lui ?

En optant pour un récit à double focale – Audrey et Anton – Vinciane Moeschler va nous conduire jusqu’au fantôme qui hante Audrey et sa mère comme seul sait le faire, parfois sur plusieurs générations, un secret de famille inavouable ou simplement inavoué.

Écouter cette chronique (extrait lu à 02:57) :



À corps parfait – Vinciane Moeschler – Le Muscadier – 2020 (222 pages, 13,50 €)

* J'emprunte cet intertitre à un livre déjà ancien (1991) du Dr Bernard Brusset, L'assiette et le miroir, consacré à l'anorexie mentale de l'enfant et de l'adolescent.

Les Mille vies d'Ismaël

 C'est un peu étrange de penser qu'on est au bout de sa vie alors même qu'on ne l'a pas encore commencée. C'est pourtant...