vendredi 27 octobre 2023

Manu et Nono chez Ursule


Catharina Valckx est une autrice-illustratrice de livres pour enfants. Née aux Pays-Bas, elle a passé une partie de son enfance en France et elle a écrit et illustré de nombreux livres, notamment pour les plus jeunes lecteurs. 

Une de ses séries les plus récentes, éditée à l’école des loisirs dans la collection Moucheron, met en scène deux copains, Manu et Nono, une oie blanche et une petite boule de plumes noires d’espèce indéterminée, qui vivent ensemble dans une maison au bord d’un lac. Six histoires ont déjà été publiées et cette semaine j’ai décidé de vous présenter Manu et Nono chez Ursule.

Il faut vous préciser d’emblée que Manu et Nono sont assez gourmands. Aussi, lorsqu’Ursule, qui est très chouette, les invite à venir prendre le thé chez elle, ils n’hésitent pas une seconde : elle aura sûrement fait un excellent gâteau, comme d’habitude.

Ils sont déjà en route quand ils s’aperçoivent qu’ils n’ont pas pensé à apporter un cadeau à Ursule. Ça ne se fait pas d’arriver les mains vides quand on est invité ! Heureusement, ils arrivent à hauteur d’un parterre de fleurs bleues splendides et Manu va les cueillir. Malheureusement les fleurs vont disparaître pour une raison que vous découvrirez dans l’histoire. Manu et Nono les remplacent avantageusement par un fer à cheval que leur a offert Charlot. Mais va-t-il vraiment, comme il en a la réputation, porter bonheur à Ursule ?

Vous le saurez en lisant Manu et Nono chez Ursule, une bonne lecture apaisante du soir, loin du bruit et de la fureur du monde. Les illustrations de l’autrice sont directes et touchantes comme l’est son petit tandem de volatiles qui parlent. Elle convient donc tout à fait à des enfants qui commencent à lire tout seuls  - la collection Moucheron est d’ailleurs sous-titrée « Je peux lire ! » -   ou des plus petits qui vous écouteront raconter cette histoire à voix haute, assis sur vos genoux, ou dans leur lit, les yeux déjà mi-clos…

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:12) :

Manu et Nono chez UrsuleCatharina Valckx – collection Moucheron de l’école des loisirs – 2021 (43 pages, 6,00 €)


vendredi 20 octobre 2023

Histoire de la fille qui ne voulait tuer personne

 



Fermez les yeux et imaginez. Nous sommes en 2069. Rouen est la capitale française de la Fédération européenne depuis que Paris a dû être abandonnée. Au début de ce que tout le monde nomme désormais la Décennie terrible, la fièvre de Marburg a décimé le monde, tuant 15 % de la population et provoquant une refondation politique de l’Europe ravagée par le virus. Ce monde nouveau n’est pas parfait. Il est même profondément inégalitaire car la Fédération a laissé tout une partie de la population à l’extérieur, dans une zone misérable baptisée le Dehors, où vivent aussi beaucoup d’opposants à la fédération, qu’on nomme les « zops ».

L’héroïne de l’histoire, Ada Veen, a 17 ans. C’est elle « la fille qui ne voulait tuer personne », dont Jérôme Leroy conte l’histoire. De cet auteur, je vous avais présenté ici une trilogie, Lou après tout, parue en 2019-2020, une dystopie dont on retrouve ici certains éléments d’ambiance et de décor. 

Ada Veen est une « fille de », en l’occurrence de Clara Klein-Veen, vice-gouverneur de l’État français. On apprend rapidement qu’un référendum d’initiative populaire a provoqué le rétablissement de la peine de mort, largement contre l’avis de son actuelle présidente, Agnès Cœur, compagne de la Refondatrice, Vigdis Mendoza. Ce rétablissement a toutefois été assorti d’une condition terrible : que ce soit non pas un bourreau professionnel qui l’applique, mais un citoyen tiré au sort dans le pays. Loterie monstrueuse et écrasante responsabilité que celle d’appuyer sur un bouton et d’assister en direct à la mort du condamné, retransmise par la télévision.

L’histoire commence réellement quand Ada Veen est tirée au sort à son tour et se rebelle, refusant d’appliquer la sentence de mort. Elle, la Pionnière jusqu’ici modèle qui faisait la morale à tout le monde, elle qui, à l’âge de cinq ans, a dénoncé aux autorités son propre père qu’elle avait surpris en train de fumer, comportement absolument prohibé, n'a d'autre choix que de s’enfuir pour échapper à son devoir de citoyenne. Dans sa fuite, sa toute-puissante mère ne va pas être la dernière à lui mettre des bâtons dans les roues, car ses ambitions politiques pourraient être contrariées si le comportement hors-la-loi de sa fille éclatait au grand jour.

Ada doit d’abord s’enfuir dans le Dehors et elle va pouvoir le faire avec la complicité de Jason, un garçon dont elle est tombée amoureuse en dépit de l’infirmité dont il est affligé de naissance : il n’a qu’un œil dans un visage difforme. Mais il lit du Nerval, écrit de la poésie et fréquente un groupe qui s’est baptisé du nom du poète, le Gang Nerval.

Le récit à deux voix de Jérôme Leroy est celui de cette fuite, dramatique, vers la République libertaire du Portugal, dernier îlot de liberté et siège de la Douceur, une utopie déjà évoquée dans Lou après tout. Au passage, Ada retrouvera Boris, son grand-père, sorte de médecin sans frontières qui s’est mis au service des gens du Dehors. Elle aura aussi par lui des nouvelles de son père, dont elle ne savait qu’elle avait été le sort, après qu’elle l’avait dénoncé 12 ans auparavant. Les deux adolescents parviendront-ils au terme de leur périple ? C’est tout l’enjeu du roman, conduit par Jérôme Leroy avec le sens du suspense dramatique qu’on lui connaît.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:25) :


Histoire de la fille qui ne voulait tuer personne - Jérôme Leroy - 2023 - Syros (363 pages - 17,95 €)

vendredi 13 octobre 2023

C'est beau de mentir

 


Dans la courte présentation que son éditeur fait d’elle, nous apprenons que notre autrice du jour, Catherine Grive, a écrit à l’âge de huit ans à la reine d’Angleterre pour lui souhaiter son anniversaire mais qu’elle n’a malheureusement jamais reçu de réponse. C’est ce silence qui serait à l’origine de sa vocation d’écrivaine, celle qui écrit en vain, en quelque sorte.

Son héroïne du jour, Lucile, est une sorte de menteuse pathologique qui y trouve provisoirement son compte. D’où le titre de son livre, à rebours des admonestations qui ont brimé notre enfance : C’est beau de mentir. C’est beau le mensonge puisque grâce à lui, Lucile s’apprête à squatter l’appartement des Walton, de riches voisins, pour y fêter ses 15 ans avec une vingtaine de potes et ainsi continuer à leur en mettre plein la vue. D’ailleurs elle a bien choisi le thème de sa soirée d’anniversaire : « Tout ce qui brille ». Grâce aussi à Nathalie, une voisine qui a toutes les clés de l’immeuble depuis que la gardienne, soi-disant trop chère pour tous ces gros richards de l’avenue Foch, a été renvoyée.

Nous sommes dans les beaux quartiers, mais depuis que son père les a quittées, Lucile et sa mère ont emménagé certes à Paris XVIe mais dans deux chambres de bonne réunies sous les toits, avec des toilettes sur le palier. Tout ce qui est arrivé à Lucile, à son père et à sa mère, nous allons en fait l’apprendre… dans l’ascenseur. Car au moment où Lucile veut remonter de la cave où elle est allée chercher des bouteilles de vin, l’ascenseur tombe en panne. S’engage alors un étrange dialogue, comique bien qu’il ne fasse pas toujours rire Lucile, entre un curieux dépanneur et la prisonnière. Et une course contre la montre car si par malheur ce fichu ascenseur ne se remet pas en route, les mensonges de Lucile vont s’effondrer comme un château de cartes. En attendant, Lucile nous fait revisiter sa vie passée et présente. 

Parmi la vingtaine de camarades de sa classe qu’elle a invités, il y a surtout Octave. Il ne s’est pas encore passé grand-chose entre eux mais Lucile pense bien frapper un grand coup et enfoncer les défenses du garçon au cours de la soirée.

Encore faudrait-il qu’il y eût une soirée… L’heure tourne et peu à peu nous nous énervons avec Lucile, nous nous angoissons avec Lucille, nous nous asphyxions avec elle. Bref, vous avez compris le principe. Catherine Grive nous montre quels effets cette retraite forcée dans un ascenseur en panne va produire sur son héroïne. Lucile pourra-t-elle enfin se sortir  de ses mensonges ? Et franchement, y a-t-elle intérêt… ?

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:28) :



C’est beau de mentirCatherine Grive – éditions Sarbacane (185 pages, 15 €)

vendredi 6 octobre 2023

Fantomatique Road Trip


Un premier roman est toujours un petit événement. Pour l’auteur ou l’autrice, évidemment, qui vient de franchir victorieusement les portes d’un éditeur, souvent après plusieurs tentatives infructueuses. Mais pour les lecteurs et lectrices aussi, curieux de découvrir une nouvelle plume et ce qu’elle ajoute dans le paysage éditorial et deviner ce qu’elle promet.

Cette semaine, Litté’Jeune accueille Mathilde Payen pour un premier roman jeunesse intitulé Fantomatique Road Trip. Son titre franglais dévoile une partie de son intrigue, car il y est bien question d’une aventure itinérante qui va croiser un jeune fantôme et passer par l’Angleterre.

Pour Ninon et June, c’est peut-être le dernier été d’insouciance qui s’offre à elles. A la rentrée prochaine, elles seront en Terminale. Et Ninon qui vient de découvrir un vieil atlas routier annoté n’a soudainement plus qu’une idée : partir par des petites routes jusqu’au bord de la mer, se baigner et revenir, le tout à l’insu des parents auxquels chacune aura fait croire qu’elle passe des vacances avec sa copine.

Moyen de locomotion : un vieux Solex et une remorque, à retaper dare-dare. Avec l’aide de Lewis, trop casanier pour se lancer dans l’aventure avec ses amies, Ninon et June vont réussir à faire redémarrer le Solex et à réparer la carriole. La grande évasion peut commencer. Leur première nuit en forêt, à la belle étoile, ne va pas être de tout repos. En route, le Solex va faire des siennes aussi. 

Mais ce qui les attend un peu plus loin, dans une maison abandonnée qu’elles vont explorer avec deux garçons du coin, va donner un tour nouveau à leur escapade. June met la main sur une correspondance vieille de 40 ans adressée un certain Louis, le fils de la maison, décédé dans un accident de voiture. Quand des bruits inexpliqués se font entendre dans la maison, les quatre ados sortent en panique. Plus de peur que de mal.

Mais le lendemain, quand June et Ninon reprennent la route, elles se retrouvent escortées par un garçon qui n’est autre que Louis, le destinataire de la correspondance, le garçon mort il y a si longtemps, en un mot : un fantôme. Comme tout bon ectoplasme, il n’est visible que des deux filles, auxquels il va confier que pour s’effacer définitivement de la Terre, il doit absolument retrouver Diane, la rédactrice des lettres. Et qu’alors seulement, il pourra disparaître de la vue des humains et reposer en paix.

Grâce à Internet, les filles vont retrouver la trace de Diane… en Angleterre, à Oxford exactement. Vont-elles être assez débrouillardes pour franchir le Channel, est-ce que les parents découvrant la supercherie et sans nouvelles de leurs filles ne vont pas lancer à leurs trousses toutes les polices de France et de Grande-Bretagne ?

Mathilde Payen nous entraîne à la suite du trio improbable des deux filles et du fantôme et nous les suivons volontiers au travers des multiples embuches qui jalonnent leur voyage. Ce roman, c’est un peu le journal de bord de June, qui nous conte tout par le menu, jour après jour et heure après heure.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:07) :



Fantomatique road tripMathilde Payen – Syros (325 pages, 17,95 €)


Sans crier gare

  Aimez-vous les livres qui simultanément ou dans un ordre quelconque vous font peur, vous font pleurer et vous font rire tant et tant que v...