jeudi 27 octobre 2011

Je ne suis pas Eugénie Grandet

"Quand le sublime côtoie l'insignifiant"



Il y a de tout dans ce livre. Deux sœurs, Anne-Louise et Alice et c'est la petite qui parle de son aînée et qui découvre qu'elle doit s'affranchir de cette ombre tutélaire. Mais c'est un vide qui se profile. De se voir propulsée à son compte, Alice a tout à coup peur de rater sa vie, prise de vertige devant celle d'Eugénie Grandet, une vie de roman qu'elle n'a pas pu terminer par crainte de découvrir comment la sienne allait finir. Alice, heureusement, croise Alphonse, fleuriste en dehors des heures de lycée. Au hasard, elle agrippe sa main, plus ou moins maladroitement, mais plus ou moins définitivement aussi.

 Entre en scène une mamie revêche et inconnue, enterrée dans cette Creuse froide où la famille ne se rend qu'à reculons. Pourquoi aller voir quelqu'un qui ne m'aime pas ? se demande tout haut Alice. Son aînée la fait taire une dernière fois. A pied d'œuvre, Alice, plutôt que de rester à geler dans la vieille maison, s'entête à vouloir percer le mystère de cette vieille dame indigne, à forcer l'amour qui lui est dû, pense-t-elle. Quelque chose comme une récompense est au bout de son obstination, qui ressemble à la vérité. S'enchaîne alors une seconde histoire qui ne convoque plus Balzac mais Tchekhov. Max est l'ami metteur en scène d'Anne-Louise. Pour l'heure il vit dans la Cerisaie et rien ne peut l'en sortir. Sa pièce emmène tout ce petit monde au bout du monde, Dunkerque, un port où s'annonce un naufrage. Il faut faire face et comme dans la vie, quand le décor prévu part en fumée, en repenser un autre pour jouer malgré tout.

Alice a un don pour repérer des bribes d'objets qui traînent par terre. Avec eux, elle se fabrique des fétiches en forme de souvenirs immédiats, un passé composé comme un bouquet frais, qu'elle peut opposer à ses détresses présentes. Finalement, tout est léger. On suit avec plaisir cette jeune fille vibrionnante qui tombe amoureuse sans s'en rendre compte et distribue autour d'elle un bonheur aussi certain qu'aléatoire, celui de la vie où « le sublime côtoie l'insignifiant ». Grâce à Shaïne Cassim, le lecteur découvre que les deux lui sont nécessaires et peuvent naître de trois fois rien : juste un peu d'attention à ce qui est.

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