vendredi 7 février 2020

Je voulais juste être libre



« Je voulais juste être libre. » Le titre du livre de Claire Gratias sonne d'emblée comme un cri et comme l’aveu d'un échec. Car rien n'a tourné comme le voulait Manon dès le moment où l'élève modèle et la fille soumise ont explosé. Ni Salomé sa meilleure et unique amie, ni Valentin son amoureux transi, ni aucun des adultes qui la connaissaient – et a fortiori pas sa mère - n'ont pu contrôler la rupture que Manon va imposer, à tous comme à elle-même, avec sa vie d'avant.

Pour décrire cette rupture, l'autrice convoque une succession de témoins qui  ont assisté plus ou moins impuissants, chacun depuis son étroite fenêtre, à la dégringolade de l'adolescente vers une issue qu'on devine tragique mais qui ne nous est entièrement dévoilée que dans les dernières pages. Le roman aurait pu tout aussi bien s'intituler « Manon ou comment partir en live ».

Chaque chapitre se présente comme un témoignage fait devant un enquêteur qui chercherait à reconstituer  l'itinéraire de l'adolescente pour tenter d’en comprendre les raisons, pour essayer aussi de démêler l'écheveau des responsabilités de chacun.

Au fil du récit, les choses se compliquent, se nuancent. La mauvaise mère que Salomé dénonce la première avec force a aussi une sombre histoire derrière elle. Aucun garçon ne semble être de taille à résister à  cette « fille canon »,  surtout pas Valentin que Manon va littéralement atomiser. Les enseignants n'ont rien vu venir de la part de cette élève sérieuse et appliquée. L'infirmière scolaire et la CPE soupçonneront bien quelque violence domestique, mais Salomé qui sait, elle, ne voudra pas trahir son amie encore murée dans le silence des enfants sous emprise.

Au final, quel gâchis ! La force du récit de Claire Gratias est sans doute de nous faire pointer, au fil des témoignages, les failles de chacun derrière les défenses déployées. Mais qui donc, quoi donc, aurait pu détourner Manon de son destin ?

Écouter cette chronique ( extrait lu à 01:56) :

Je voulais juste être libre – Claire Gratias – Le Muscadier (211 pages, 13,50 €)

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