vendredi 30 octobre 2020

Même les araignées ont une maman




Tout commence par un chat qui découche. Rien d’anormal a priori. Mais Kim n’est pas rentré à la maison depuis trois jours. Ce n’est pas dans ses habitudes et Thomas commence à s’inquiéter. D’autant qu’un mystérieux tueur sillonne les environs, s’attaquant aux chats et aux chiens et déposant leurs cadavres diversement découpés aux quatre coins de la ville.

Le quatrième soir, Thomas décide d’attendre le retour de Kim en passant une nuit blanche. Et vers quatre heures du matin, il aperçoit une silhouette qui se glisse dans son jardin, une capuche rabattue sur la tête. Un étrange masque rouge et noir lui couvre le visage. À sa dégaine, Thomas reconnaît pourtant Emma, une ado bizarre qui vit enfermée avec son père dans la vieille ferme d’à côté. Rebelote la nuit suivante, mais au passage d’une voiture, Emma s’agite, convulse et reste prostrée sur la pelouse. Thomas sort dans le jardin pour lui venir en aide. Et c’est là que les ennuis commencent, enfin, l’aventure, qui ne se réduit heureusement pas dans le cas présent à une somme d’ennuis.

Disons-le tout de suite, si Emma vit confinée avec son père veuf qui lui fait l’école à la maison, c’est qu’elle est dotée d’un don intense de télépathie, qui lui fait entendre toutes les pensées des personnes qui l’entourent. Soit une insupportable cacophonie dès qu’elle se trouve dans un endroit un tant soit peu peuplé, qu’il s’agisse d’un supermarché ou d’une cour de lycée, tous lieux qu’elle évite donc soigneusement. Le fait qu’elle entende toutes les pensées de son père n’est pas moins gênant pour elle et lui, qui est parfaitement au courant des capacités de sa fille.

Il ne restait plus à Alain Gagnol qu’à lancer les deux ados sur la piste du tueur d’animaux en série. Thomas, qui a une mère psychothérapeute, va revoir Emma. Il va même l’aider à trouver un minimum de contrôle sur son pouvoir télépathique, ce qui va permettre à l’adolescente de sortir de chez elle sans que le monde entier l’assaille instantanément de ses millions de pensées simultanées.

Pour Thomas, avoir une amie télépathe n’est pas simple. Car vont bientôt surgir en lui des pensées pas entièrement avouables envers Emma, qui la feront tour à tour s’offusquer, rougir, sourire et donneront à la jeune fille quelques armes pour taquiner gentiment ce garçon. Elle l’a éveillé à l’amour sans le vouloir vraiment, jusqu’au premier baiser volé, aux conséquences pas toutes prévisibles pour elle-même.

L’auteur explore ce pouvoir d’Emma, en décrit les effets multiples, la puissance et les failles. Si la littérature et le cinéma ont abondamment exploité les ressources de la télépathie, Alain Gagnol réussit à provoquer chez le lecteur des sentiments un peu vertigineux sur ce que deviendraient nos vies quotidiennes si nos fors intérieurs étaient mis à nu, si l’autre pouvait lire en nous à livre ouvert. Lorsque les deux ados enclenchent pour de bon la traque du tueur en série enfin démasqué, le roman d’initiation amoureuse se mue en thriller. Emma et Thomas ont du cran et une bonne dose d’inconscience. La télépathe viendra-t-elle à bout du psychopathe ?

Écouter cette chronique (extrait lu à 3:10) :




Même les araignées ont une maman – Alain Gagnol – Syros – 2020 (459 pages, 17,95 €)

 

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