vendredi 12 avril 2019

Dix battements de cœur



Deux enfants dans le Blitz. 

Quand on entame la lecture d’un roman qui s’apprête à traverser la Seconde guerre mondiale, on évalue plus ou moins consciemment la probabilité que ses principaux protagonistes ont de lui survivre. Qui sera encore là au dernier mot du livre ? 

Dans le cas de Dix battements de cœur, le roman de N. M. Zimmermann paru en février dernier à l’école des loisirs, la question se pose d’emblée avec les deux enfants qui ouvrent le récit. Isabella White est la fille d’un riche avocat londonien. Andrew Chapel est le fils de l’associé de son père. Du plus loin que se souvienne Isabella, Andrew a toujours été à ses côtés, en compagnon de jeu mais aussi, plus étrangement, en serviteur dévoué de tous ses instants. Et cela a toujours paru naturel à Isabella, comme il était naturel que Mr Chapel fût le dévoué associé de Mr White. Un pacte très ancien de plusieurs siècles lie une famille à l’autre. La logique même – cruelle, de classe, de destin – voudrait qu’Isabella survécût à Andrew. Prenons les paris. 

En 1932, Isabella a 6 ans, tout va bien. Jamais elle sans lui ni lui sans elle. A la vie à la mort. C’est d’ailleurs au péril de sa vie qu’Andrew sauve Isabella à un carrefour. Mais cet ordre des choses va-t-il pouvoir résister à l’entrée en guerre, dans le Londres des années 39-40 ? En quelques mois, la vie des deux enfants au seuil de l’adolescence, et, avec la leur, celles de toute la jeunesse anglaise, vont être bouleversées. 

Les pères sont mobilisés. Au confort de la grande maison de Fleet Street, au pied de la cathédrale Saint-Paul, succède le froid et les privations dans la rude campagne d’Oxford, où les mères envoient Isabella et son inséparable Andrew pour les mettre à l’abri chez une tante, Mrs Cole. Ils vont y faire connaissance d’autres gamins, recueillis eux aussi, dont Winter et Rosie. Winter n’a qu’une idée : fuguer avec sa petite sœur et revenir à Londres. En arrivant à ses fins, au prix d’un drame, il va provoquer le retour d’Isabella et Andrew à Londres. 

Cette première rupture préludait à un nouvel effondrement, plus grave. A partir de septembre 1940, Hitler a lancé ses bombardiers à l’assaut de Londres. La mère d’Andrew est grièvement blessée et supplie Mrs White de quitter l’Angleterre avec les deux enfants. Abigail, enceinte, décide d’émigrer au Canada en emmenant sa fille et Andrew, malgré les risques que les U-boot allemands font courir aux navires alliés. Mais Andrew ne veut pas abandonner sa propre mère. Les deux adolescents, soudés par leur pacte, vont s’entendre pour fausser compagnie à Mrs White au moment de l’embarquement et rester à Londres, malgré le danger.

Zimmermann décrit des enfants livrés à leur instinct de survie dans une capitale régulièrement bombardée de nuit. C’est le Blitz. Isabella et Andrew vont retrouver Winter à la tête d’une bande de petits orphelins qui vivent, dans un squatt, de rapines dans les maisons détruites. Ils n’ont pas beaucoup d’autre choix que de s’agréger au petit phalanstère. Londres est devenue une jungle. On se croirait au temps de Dickens et d’Oliver Twist, où Winter aurait joué les Fagin. 

Zimmermann brosse avec une grande force narrative le tableau hallucinant de Londres sous les bombes et la résilience étonnante des enfants dont les mondes familiers s’évanouissent pourtant les uns après les autres. Au fil des chapitres la situation se tend pour les deux adolescents comme elle se dramatise pour le pays. Andrew s’efforce de protéger Isabella qui, elle-même, craint que si elle meurt, Andrew ne disparaisse lui aussi en raison de leur intime alliance. Lors d’une énième alerte, ils se réfugient dans une station de métro qui va être frappée de plein fouet… 

Écouter cette chronique (extrait lu à 3:37) :

Dix battements de cœur – N.M. Zimmermann – l’école des loisirs – 2019 (349 pages, 17 €)

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