vendredi 17 mai 2024

Mon petit frère est une pastèque


 Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'un petit garçon quand on ne lui explique pas les choses qui arrivent dans sa vie ? Eh bien, il les invente à sa manière, façon pour lui de faire parler les silences des grands, de se raconter l'histoire que personne ne veut lui conter. Nous allons le découvrir dans ce récit écrit par Laurent Rivelaygue et illustré par Olivier Tallec, Mon petit frère est une pastèque.

Jules a quelques soucis. D'abord sa mamie est à l'hôpital. Ensuite sa maman est enceinte, « très, très enceinte », nous précise-t-il. Alors quand il va voir sa mamie avec ses parents, ses deux soucis sont réunis dans la chambre. Il aurait bien aimé ne pas rater l'épisode de son feuilleton préféré, Belzébouk, le diablotin de l'espace, mais malheureusement, il n'y avait qu'une télévision pour deux et la voisine de chambre de mamie, une très vieille dame, avait décidé qu'elle était la cheffe de la télécommande et n'a pas voulu la prêter à Jules .

Le ton est donné. C'est Jules qui raconte et l'auteur nous installe dans sa tête de petit bonhomme qui met des mots là où ils font défaut, aussi bien dans une chambre d'hôpital, qu'à la maison, à l'école ou dans la cour de récréation.

Comme ses parents n'ont pas l'air d'être d'accord sur le prénom à donner au petit frère à venir, Jules a décidé de l'appeler Bananiol, comme le chocolat en poudre qu'il prend tous les matins.

Heureusement, mamie est remise sur pieds pour apprendre à Jules qu'il va avoir un petit frère car ses parents sont partis à la maternité pendant qu'il dormait. Commence alors pour Jules une vie étrange. Sa mamie passe sa journée au téléphone en répétant « ça va aller, ça va aller » et elle oublie d'emmener Jules à l'école. Le lendemain, ses parents reviennent à la maison, sa maman a le ventre tout plat et elle pleure et quand Jules demande à son papa où est Bananiol, il ne sait que lui dire, en le serrant contre lui : « ça va aller ».

Le deuxième jour, toujours pas d'école. Comme il sent confusément qu'au contraire, rien ne va plus aller, il s'invente un délire en découvrant dans le frigo une énorme pastèque : c'est elle, Bananiol, c'est lui, son petit frère que ses parents ont caché au frais car ils en avaient honte. Mais lui, Jules, va le tirer de là. Il emporte la pastèque dans sa chambre et la glisse sous son lit, ni vu ni connu. Bananiol est sauvé.

Dès lors, Jules s'invente une vie avec Bananiol qu'il va imposer à Kevin et Fatoumata ses deux complices, à la maman de Kevin qui fête son anniversaire, à tous ces adultes qui lui offrent leur sollicitude attendrie que nous sommes seuls à comprendre.

L'auteur nous entraîne, lui, à imaginer le pire, que l'existence de Bananiol ne suffit pas à conjurer. Mais, c'est bien connu, le pire n'est jamais sûr, le dénouement nous le confirmera.

Laurent Rivelaygue se laisse porter par l'invention de Jules qui impose sa surréalité à un entourage qui ne parvient pas à lui dire la simple vérité, suspendu dans une attente parallèle. On retrouve avec plaisir les illustrations d'Olivier Tallec, dans l'esprit de la série les Quiquoi, du même tandem. Le lecteur est embarqué lui aussi, appréhendant le moment où cette bulle fictionnelle éclatera, comme un chagrin trop longtemps contenu. Mais si les parents de Jules avaient eu les mots pour dire, aurions-nous eu une histoire ?

Pour écouter cette chronique (extrait lu à  03:15) :


Mon petit frère est une pastèqueLaurent Rivelaygue et Olivier Tallec – Neuf de l'école des loisirs – à partir de 6 ans (57 pages, 9 €)

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