vendredi 14 juillet 2017

Inséparables



« Ce n’est vraiment pas si terrible », écrit Grace. Quoi ? D’être ischiopagus tripus. Une ou deux, une et deux, une deux, quatre bras, deux jambes et deux béquilles. Tap-tap, le monstre à deux têtes entre au lycée. Une et inséparables.

« Quand Tippi veut quelque chose,
      elle l’attrape à
      pleines mains
      avec
      un corps qui nous appartient
      à toutes les deux. » (83)

Grace raconte sa sœur et elle, Grace et Tippi, « ni vous sans moi ni moi sans vous ». Telles le chèvrefeuille et le coudrier de Marie de France, ensemble elles pourraient bien durer. Mais séparées ? Le corps à corps permanent des sœurs siamoises impose le corps de l’autre comme un corps à soi, comme un deuxième corps. Trop de corps côte à côte? Grace envie Sainte Catherine :

« Parfois, je voudrais pouvoir être comme ça :
engagée dans une lutte
de l’âme,
au lieu de m’inquiéter
tout le temps pour mon corps. » (186)

Grace raconte aussi Dragon, la petite sœur qui danse, la maman et le papa qui boit - un peu trop - un chagrin indéfini. Une famille un peu trop indéfiniment vivante.

Sur le casier de Tippi, un jour, peu après la rentrée, un papier scotché : « Vous feriez pas mieux de retourner au zoo ??? » Inévitable.

Mais deux amis indéfectibles s'offrent à Grace et Tippi : Yasmeen et Jon. Et pour Grace, le truc juste impossible, juste nécessaire, avec son cœur fragile : tomber amoureuse de Jon. Avec Tippi à sa gauche, qui regarde ailleurs mais n’en perd pas une miette. L’amour, c’est d’être un, deux, trois ... soleil ?

Jusqu’au choix, inéluctable. Que reste-t-il quand de deux qui ne font qu’une, on tente de faire une plus une égalant deux ?

J’ai lu d’une traite.
Et à la fin j’étais

- « le souffle du livre qui se referme
de la bougie que l’on éteint » (317) -

en larmes.

Parce que « la chance, c’est un mensonge » (371). Mais parce que ce livre de Sarah Crossan est une grâce, traduit par Clémentine Beauvais.


Inséparables, de Sarah Crossan – traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Clémentine Beauvais – Rageot - 2017.


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