« Ce n’est vraiment pas si terrible », écrit Grace.
Quoi ? D’être ischiopagus tripus. Une ou deux, une et deux, une deux, quatre
bras, deux jambes et deux béquilles. Tap-tap, le monstre à deux têtes entre au
lycée. Une et inséparables.
« Quand Tippi veut quelque chose,
elle
l’attrape à
pleines
mains
avec
un corps
qui nous appartient
à toutes
les deux. » (83)
Grace raconte sa sœur et elle, Grace et Tippi, « ni
vous sans moi ni moi sans vous ». Telles le chèvrefeuille et le coudrier de
Marie de France, ensemble elles pourraient bien durer. Mais séparées ? Le corps
à corps permanent des sœurs siamoises impose le corps de l’autre comme un corps
à soi, comme un deuxième corps. Trop de corps côte à côte? Grace envie Sainte
Catherine :
« Parfois, je voudrais pouvoir être comme ça :
engagée dans une lutte
de l’âme,
au lieu de m’inquiéter
tout le temps pour mon corps. » (186)
Grace raconte aussi Dragon, la petite sœur qui danse,
la maman et le papa qui boit - un peu trop - un chagrin indéfini. Une famille
un peu trop indéfiniment vivante.
Sur le casier de Tippi, un jour, peu après la rentrée,
un papier scotché : « Vous feriez pas mieux de retourner au zoo ??? »
Inévitable.
Mais deux amis indéfectibles s'offrent à Grace et
Tippi : Yasmeen et Jon. Et pour Grace, le truc juste impossible, juste
nécessaire, avec son cœur fragile : tomber amoureuse de Jon. Avec Tippi à sa
gauche, qui regarde ailleurs mais n’en perd pas une miette. L’amour, c’est
d’être un, deux, trois ... soleil ?
Jusqu’au choix, inéluctable. Que reste-t-il quand de
deux qui ne font qu’une, on tente de faire une plus une égalant deux ?
J’ai lu d’une traite.
Et à la fin j’étais
- « le souffle du livre qui se referme
de la bougie que l’on éteint » (317) -
en larmes.
Parce que « la chance, c’est un mensonge » (371). Mais
parce que ce livre de Sarah Crossan est une grâce, traduit par Clémentine Beauvais.
Inséparables, de Sarah Crossan – traduit de l’anglais
(Grande-Bretagne) par Clémentine Beauvais – Rageot - 2017.
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