vendredi 25 janvier 2019

Sauvages



Des pensionnats dits autochtones ont existé dans tout le Canada de 1837 à 1996, pendant plus de 150 ans, donc. Leur but était d’assimiler les jeunes Amérindiens en leur faisant oublier leur langue maternelle, l’algonquin, au profit du français et en les coupant de toutes leurs mœurs traditionnelles. Ce n’est qu’en 2015 que le Premier ministre canadien Justin Trudeau a demandé pardon aux autochtones au nom de l’État fédéral.

La poursuite de ce programme a été confiée à des établissements catholiques chargés de coloniser ces jeunes esprits, en les arrachant à cet état de nature qui les faisait considérer comme des sauvages par les religieux chargés de les instruire et, au passage, de les évangéliser.

De cette situation historique, Nathalie Bernard a tiré Sauvages, docu-fiction consacré à cette longue entreprise d’éradication de l’homme indien.

Son jeune héros, Jonas, a 16 ans et ronge son frein car dans deux mois il sera libre. Le récit se présente d’ailleurs comme une sorte de compte à rebours en deux parties « dedans » et « dehors ». Mais rien ne va se passer comme l’envisageait Jonas. Un événement dramatique va en effet transformer sa sortie programmée du pensionnat en fuite éperdue en compagnie d’un autre pensionnaire, Gabriel.

Les jeunes élèves, filles et garçons, sont soumis à l’autorité sadique d’un prêtre, le « père Seguin » qui a malheureusement remplacé le père Tremblay, décédé, dont Jonas garde un souvenir ému. C’est d’ailleurs à coups de souvenirs que le jeune Indien supporte la vie, ceux sa prime enfance, avec sa mère décédée au moment où il lui a été arraché, avec Stella sa douce amie indienne.

Mais ces souvenirs ne font pas toujours le poids face à la dureté des conditions présentes imposées aux jeunes dans le froid canadien : interdiction de parler en algonquin, dûment sanctionnée, nourriture infecte, brimades multiples allant jusqu’au cachot où certains élèves meurent. Le pire sera révélé quand Jonas s’apercevra que le père Seguin est un prédateur avec les plus faibles, garçons et filles confondus.

Dans sa fuite avec Gabriel, Jonas va voir resurgir les ressources du « sauvage », toute son éducation indienne, ses réflexes de survie dans la forêt, ses armes de chasse et de pêche, tout ce qui va faire de lui désormais un homme à part entière, un homme retrouvé. Ses qualités lui permettront-elles d’échapper aux mercenaires féroces chargés de rattraper morts ou vifs les deux fuyards ? C’est ce que la seconde partie du livre, aussi haletante que la première est révoltante, nous révèle.

Avec Sauvages, Nathalie Bernard nous livre le versant le plus sombre d’un pan de l’histoire du Canada, jetant une lumière crue sur le rôle joué par l’institution ecclésiale catholique, bras armé du colonisateur dans la destruction de la culture indienne.

Écouter cette chronique (extrait lu à 3:04) :



Sauvages – Nathalie Bernard – Éditions Thierry Magnier –(287 pages, 14,50 €)

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