vendredi 8 mars 2019

Appelez-moi Nathan



Appelez-moi Nathan, c’est le parcours transgenre d’un jeune garçon né dans un corps de fille, à moins qu’il ne s’agisse d’une fille née dans la tête d’un garçon. Il est raconté par une journaliste, Catherine Castro et délicatement aquarellisé par Quentin Zuitton, dans la forme d’une BD, qui tire parfois vers le roman graphique. Il s’agit bien d’une histoire vraie, dont les personnages ont voulu rester anonymes. Leurs noms ont donc été changés. Mais le héros principal, qui s’appelle Lucas s’est présenté lui-même lors de l’émission de Yann Barthès, le Quotidien (ici). Et Lucas m'est apparu à l'écran comme un garçon tout à fait convaincu et convaincant.

Au commencement est donc Lila, qui a un petit frère Théo. La sœur et le frère ont un papa et une maman. Famille on ne peut plus normale et aimante. Jusqu’ici, tout va bien. Mais bientôt, Lila capte des signaux de son environnement et de son corps qui ne correspondent plus à ce qu’elle a dans la tête. C’est une robe que sa mère a voulu lui acheter, un moniteur de water-polo qui lui fait une remarque sexiste, une grand-mère qui lui offre un sac Hello Kitty… Puis quand Lila s’aperçoit que des seins commencent à lui pousser, c’est un été très pénible qu’elle passe au bord de la plage. Peu à peu, par petites touches, sa féminité naissance la déborde, bien qu’elle fasse tout pour la contenir. Lila se déteste en fille, ne se sent pas normale. Une coupe de cheveux à la garçonne va être son premier acte de refus avant d’entamer sa « transition », de la façon la plus résolue qui soit, accompagnée médicalement : prise de testostérone, et plus tard mastectomie.

Lila a heureusement des parents aimants et compréhensifs. Sa mère, après un temps où elle s’inquiète et résiste à la démarche que veut entreprendre Lila, apprend peu à peu à dire « il » au lieu de « elle »,  Nathan au lieu de Lila, prénom bientôt inscrit à l’état civil et au lycée de Nathan.

Lecteurs et lectrices, adolescentes et adultes, trouveront dans ce roman la description fidèle de l'un des parcours que peuvent accomplir celles et ceux qui découvrent et éprouvent à un certain stade de leur croissance ce qu’on appelle une dysphorie de genre. Ce terme est employé notamment par les psys qui ont à traiter la détresse de jeunes patient•e•s ne se sentant plus en accord avec leur sexe de naissance ni avec ce que leur environnement projette sur eux. Ce désaccord peut être plus ou moins profond. Il ne conduit pas toujours à des choix aussi radicaux que ceux que fait Lila pour devenir Nathan. Mais l’itinéraire de Lila-Nathan tel qu’il nous est conté et montré, si précisément, dans sa singularité, avec une grande empathie, par l’autrice et l’illustrateur, donne à penser. Peut-être même changera-t-il bien des regards trop sommaires sur la question du genre, qui ne se résume évidemment pas à celle de la transition présentée ici.

Écouter cette chronique (extrait lu à 2:47) :




Appelez-moi Nathan – Catherine Castro et Quentin Zuitton – Payot Graphic – 2018 (142 pages, 16,50 €)

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