vendredi 8 janvier 2021

Les petites victoires

 


Prix du jury œcuménique de la BD 2018

« Chers auditeurs et auditrices, fidèles ou non à mes cinq minutes hebdomadaires, je vous souhaite une bonne année 2021, riche en lectures de toutes sortes. Si le confinement a longtemps fermé les librairies, il n’a pas arrêté la plume des écrivains, qui nous promettent toutes sortes de belles œuvres, en littérature jeunesse notamment.

Et pour bien commencer l’année sous le signe des combats généreux et réussis, je vous propose Les petites victoires, une bande dessinée d’un auteur et illustrateur québécois, Yvon Roy, parue en 2017 mais que j’ai découverte ces jours derniers et lue comme un conte de Noël.

Les petites victoires n’est pas à proprement parler une « BD jeunesse ». Mais parce qu’elle retrace, étape après étape, le dialogue intense entre un père et son fils handicapé, elle est la matrice d’un double récit d’apprentissage et pour cette raison sera lue avec intérêt par toutes les générations.

Cet intérêt est décuplé par le fait qu’Yvon Roy rapporte sa propre histoire, vécue avec son fils, diagnostiqué très tôt comme autiste. Son récit met en scène un jeune couple, Marc et Chloé, tout à la joie de leur premier enfant. Lorsque le diagnostic tombe sur Olivier, l’univers de Marc s’effondre. Toutes les projections qu’un père fait sur son fils, de sa croissance, de son éducation et de son avenir, sont balayées en quelques instants. Le couple que forment Marc et Chloé ne résiste pas à cette épreuve, mais ils se sont promis que quoiqu’il arriverait, Olivier n’aurait pas à souffrir de leur séparation. Ils tiendront parole.

Dès lors, c’est la vie quotidienne de Marc et d’Olivier que nous suivons et le combat que va mener Marc, parallèlement aux institutions que fréquente Olivier et qui épaulent les parents. Marc ne recule devant rien. Face aux phobies inattendues de son fils, à ses colères inexplicables, à la façon qu’il a de fuir le regard, à la peur d’être touché et donc au refus de tout geste affectueux, il va s’efforcer de trouver à chaque fois une solution, au prix de sa vie personnelle qui se confond désormais avec son unique souci : faire de son fils un être autonome qui pourra avoir une vie presque normale.

Les petites victoires, ce sont donc les conquêtes infimes que fait Olivier grâce à l’obstination paternelle, après des échecs répétés parfois pendant plusieurs mois. Faisant le compte rendu d’une histoire singulière, l’auteur n’entend pas avec ce texte donner des conseils généraux ni fournir une méthode thérapeutique clés en mains. C’est le simple récit de l’aventure qu’il a vécue avec son fils. Son livre a été critiqué à sa sortie en 2017 par celles et ceux qui combattent certaines méthodes de sur-stimulation fondées sur des théories comportementalistes. Critiques à la vérité bien peu fondées car Marc ne fait pas le choix de démolir la « forteresse vide » où s’abrite Olivier. Il décide au contraire de l’y rejoindre et de s’y installer avec lui, comme on le découvre à la très belle page 31, 



manière de dire qu’il va respecter les rythmes de son fils sans renoncer pour autant à lui exprimer ses attentes éducatives.

L’histoire de Marc est celle, exceptionnelle, d’un père qui voue sa vie à son fils. « Je n’ai rien trouvé de plus important à faire » explique-t-il à Julie, une des éducatrices qui s’est occupée d’Olivier et qu’il retrouve à la fin de l’album. En une période qui se consacre non sans raison à dénoncer les masculinités toxiques, cette bande dessinée déploie un itinéraire de paternité positive bien propre à réassurer les garçons et les jeunes hommes et à les faire renouer avec ce qu’on pourrait nommer le juste ton de la virilité.

La ligne claire du dessin en noir et blanc donne une belle limpidité aux rapports père-fils. Le rôle essentiel de Chloé, la mère, n’est pas oublié pour autant : c’est elle qui convaincra Marc, qui est par principe hostile à tout traitement, qu’une médication pour pallier le déficit d’attention dont souffre Olivier est nécessaire afin de lui permettre d’aborder avec succès une nouvelle phase de sa scolarité. » 

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 04:20 avec le concours de Marie-Aude Murail) :


Les petites victoires – Yvon Roy – BD – Rue de Sèvres – 2017 (150 pages, 17,00 €)


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