vendredi 21 juin 2024

Quatre albums

 Je ne vous parle pas assez souvent d'albums pour tout-petits, vous savez, ces livres qu'on leur lit le soir avant qu'ils ne s'endorment ou quand ils viennent vous voir dans la journée en vous disant d'un ton geignard « j'm'ennuiiiie ». Eh bien, aujourd'hui, j'ai décidé de me rattraper en vous proposant quatre livres bien différents, démontrant si besoin était la variété des propositions des éditeurs.



Pourquoi ne pas commencer par ce « beau bouquet » composé par Lucie Brunellière ? L'argument en est simple. Un petit garçon se promène dans son jardin, chez sa voisine, à la campagne, il traverse une forêt, arrive au bord de la mer, et finit même par escalader une montagne pour vous présenter un superbe bouquet de fleurs qui veut tout simplement dire « je t'aime ». A l'arrivée, vous aurez mis un nom sur dix-neuf fleurs – si j'ai bien compté – et après les avoir rencontrées une à une vous pourrez inviter votre jeune lecteur (ou lectrice) à les reconnaître dans le bouquet final. Quitte à revenir en arrière pour retrouver l'endroit où telle ou telle a été cueillie, et son nom. C'est un album grand format, paisible, aéré, utile et le dessin est aussi précis que la couleur est chaude. C'est un album pour se souvenir des fleurs et oublier la pluie !

Un beau bouquet est publié aux éditions de L'agrume, sous la signature de Lucie Brunellière (44 pages, 16,50 €)


Aimez-vous l'Afrique ? Alors je vous propose de vous embarquer dans le taxi-brousse de Papa Diop. L'éditeur Syros a eu la bonne idée de rééditer dans un même volume l'histoire racontée par Christian Epanya à deux époques de la vie de Papa Diop. C'est Sène, le neveu qui expliquen d'abord comment et pourquoi son oncle a eu tant de succès en se lançant dans l'achat et l'exploitation d'un mini-bus sur la route entre Dakar et Saint-Louis, soit près de 260 km. L'auteur-illustrateur dépeint un Sénégal haut en couleurs à travers une série de scènes vivantes, toutes plus pittoresques les unes que les autres, qu'il s'agisse d'une fête nocturne, d'une périlleuse traversée à la saison des pluies, d'un mariage ou d'un enterrement. Papa Diop et son taxi-brousse sont toujours prêts à servir la communauté. Le taxi-brousse aurait coulé une retraite paisible au musée de l'automobile de Dakar si le jeune Sène devenu grand et gardien du musée en question n'avait eu l'idée d'aller saluer son oncle, lui aussi à la retraite. S'ensuit une nouvelle expédition du souvenir, à bord du taxi-brousse ranimé pour l'occasion. L'auteur illustrateur explique que le personnage de Papa Diop figure le Sénégalais moyen évoluant « dans un coin du monde où l'accueil et la joie de vivre sont élevés au rang de religion. »

Papa Diop et son taxi-brousse est un album grand format écrit et illustré par Christian Epanya et paru chez Syros (64 p, 15 €). A noter que deux QR codes permettent d'accéder gratuitement au livre audio, raconté par Thierno Diallo et accompagné par une musique instrumentale africaine.


Le troisième album que je voulais vous présenter est l'œuvre de l'illustratrice Juliette Armagnac, également autrice pour ce livre. Album bilingue, il s'inspire d'une comptine occitane destinée à endormir les enfants et intitulée SÒM, SÒM, qui signifie, « sommeil, sommeil ». C'est l'histoire d'un petit garçon qui voit  le soir tomber et sent une présence diffuse dans la maison, quelque chose qui s'approche de lui et à laquelle il résiste comme il peut jusqu'au moment où elle s'empare de lui et l'entraîne dans un long voyage : le sommeil. De la chaise au lit, le décor se transforme, se fait onirique, aspire le petit garçon qui s'envole dans les bras de Morphée. De menaçant qu'il était le sommeil est devenu voyage dans les airs : comment ne pas s'y abandonner ? D'un dessin précis, réaliste, Juliette Armagnac campe un enfant solitaire aux prises avec ses émotions au seuil de la nuit qui vient. Et c'est aussi juste qu'apaisant, au plus près de ce mystérieux passage de la veille au sommeil qu'il s'agit d'apprivoiser pour repousser les fantômes qui l'accompagnent si souvent.

SÒM, SÒM, de Juliette Armagnac est paru aux éditions Arphivolis à Prayssas, dans le Lot et Garonne. C'est aussi un livre-atelier, accompagné de silhouettes à découper, à poser sur un cercle phosphorescent avec d'autres objets qui pourront composer la scène d'un rêve à venir, une vision rassurante sur laquelle s'endormir (26 pages, 19,50 €, dès 3 ans)


C'est samedi dernier, au salon de Champcevinel près de Périgueux, que j'ai rencontré Juliette Armagnac. Non loin d'elle, ZAD dédicaçait aussi les livres et les albums qu'elle a créés en compagnie de Didier Jean. Didier Jean et ZAD, voilà un fameux tandem d'auteur-illustratrice et je n'ai pas résisté à un album dont le titre m'a tout à fait paru de saison : « L'agneau qui ne voulait pas être un mouton ».


Soit un troupeau de moutons qui vivait paisiblement sur un pré, au bord d'une falaise. La couverture de l'album, montrant la gueule ouverte d'un énorme loup ne laissait rien présager de bon. Et de fait nuit après nuit, le loup vient se servir : un mouton malade, puis un mouton noir, puis une brebis et ses petits. Le troupeau ne réagit guère, lâchement résigné aux prédations répétées du loup. Seulement quand le loup s'attaque au bélier du troupeau, rien ne va plus. Privé de son chef, les moutons décident de réagir et c'est un petit agneau qui va servir d'appât et... de piège. Vont-ils réussir à se débarrasser du loup ? La fable de cet album, sélectionné par l'Education nationale et parrainé par Amnesty international, est transparente. Et pour ceux qui n'auraient pas compris, l'album se conclut par le texte d'un pasteur protestant écrit au lendemain de la deuxième guerre mondiale :

Quand ils sont venus chercher les juifs
je n'ai rien dit
car je n'étais pas juif.

Quand ils sont venus chercher les communistes
je n'ai rien dit
car je n'étais pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes
je n'ai rien dit
car je n'étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les catholiques
je n'ai rien dit
car je n'étais pas catholique.

Quand ils sont venus me chercher
il n'existait plus personne
qui aurait voulu ou pu protester.

L'agneau qui ne voulait pas être un mouton est un album écrit par Didier Jean et illustré par ZAD, paru chez Syros (40 pages, 7,50 €).

Pour écouter cette chronique :



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