Comment une adolescente française peut-elle se décider en
quelques semaines à quitter sa famille, ses études, sa vie pour partir en Syrie
et rallier Daech ? Nous savons que ce scénario encore invraisemblable il y
a deux ou trois ans est devenue une réalité, multipliée au féminin comme au
masculin. Des articles, des livres, souvent fondés sur des témoignages, ont été
publiés qui décrivent le processus désigné sous le terme « d’embrigadement »
qui conduit, encore aujourd’hui, à ces départs en forme de fugue, prenant de
court tout l’entourage familial et amical.
Patrick Bard a décidé d’écrire, à destination de la jeunesse,
une sorte de docu-fiction racontant par le menu ce processus. Dans une courte
postface, il explique pourquoi il a « voulu écrire l’histoire de
Maëlle » : parce qu’en janvier 2015, son ami Michel Renaud a péri
dans les locaux de Charlie Hebdo ; parce qu’un garçon proche de sa fille
s’est engagé dans le djihad en Syrie.
Comprendre, c’est souvent essayer d’entourer, de cerner, de
trouver des causes, de juger, même. Patrick Bard a fait le choix de se glisser
dans la peau de chaque personnage, lui laissant le soin de faire le récit des
événements pour mieux épouser son point de vue : Maëlle, l’adolescente qui
se convertit en ligne sur Facebook et va se faire appeler Ayat, Jeanne sa jeune
sœur qu’elle essaye d’entraîner à sa suite, sa mère Céline, qui n’a rien vu
venir, son petit copain Hugo, Souad, la musulmane estomaquée par cette copine
convertie qui lui donne des leçons sur sa religion, Frédéric Da Silva, un des
enseignants de Maëlle, qui est très bonne élève, Aïcha qui travaille au sein
d’une cellule de désembrigadement, Redouane le « mari » trouvé en
Syrie, Amina la complice du voyage aller, restée là-bas, etc. Tous à tour de
rôle racontent l’histoire telle qu’ils l’ont vécue. Le livre est donc comme un
miroir à facettes qui tournerait autour de Maëlle pour la refléter, mais c’est
aussi un prisme qui décompose son chemin de vie intime. Et parce que c’est, au
final, l’histoire d’un aller avec retour, que la vie va peut-être gagner la
partie, c’est un livre qui, avec toutes ses questions irrésolues, ouvre les
yeux et porte un espoir. Un livre à mettre entre toutes les mains.
Et mes yeux se sont fermés - Patrick Bard - Syros (208 pages, 14,95 €)
En podcast sur RCF Loiret (écoutez un extrait du livre à 2:15)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire