vendredi 23 juin 2017

De l'autre côté

Quatre saisons dans la campagne suédoise 



Peut-être l’avez-vous remarqué ? Mes chroniques sont assez chauvines. Je ne parle quasiment jamais d’auteurs étrangers. Considérant que nous sommes suffisamment colonisés par la littérature anglo-saxonne, je ne vais pas de surcroît en assurer la promotion ! Toutefois, une règle n’est vraiment tenable que si elle souffre quelques exceptions.

Aussi vais-je vous parler aujourd’hui d’un auteur nordique, Stefan Casta  et surtout de son livre intitulé De l’autre côté. Je vous signale que Stefan Casta a reçu en 2002 le prestigieux prix Astrid Lindgren pour l’ensemble de son œuvre. De l’autre côté a été traduit du suédois par Agneta Ségol. Les traductrices et traducteurs sont une autre raison de faire une entorse à mon patriotisme culturel. Leur rôle de passeur reste vital pour tous ceux que Babel a cantonnés à leur langue maternelle.

Le livre de Casta commence comme Les choses de la vie, le film de Claude Sautet : par un accident de voiture, minutieusement décrit, au ralenti, et qui a pour témoin insolite… un renard. A l’arrière, Elina, la narratrice, en décompose toutes les phases, filmées à 360°.

Au final, elle s’en sort miraculeusement indemne. Jörgen aussi. Jörgen, c’est son père, qui conduisait et qui est en grande partie responsable du carambolage. Mais sur le siège passager avant, « quelqu’un meurt » : ce sont les premiers mots du livre. La vie des deux survivants va s’en trouver singulièrement changée.

Vanessa, la morte, n’était pas la mère d’Elina mais la nouvelle compagne de son père. Mais au fond, Elina aurait eu moins de peine si ça mère biologique était morte. Avec la mort de Vanessa, quelque chose s’évide dans les existences d’Elina et de son père. Quand la vie reprend ses droits, ce tiers manquant flotte à tout moment dans l’appartement et pour Elina, c’est parfois bien plus qu’un souvenir : Vanessa est devenue pour elle une présence réelle qu’elle peut nous décrire, une projection holographique de l’au-delà avec qui elle s’entretient comme si elle était encore en vie.
Quand Jörgen et Elina décident de quitter la ville et d’acheter une maison à la campagne, Vanessa va hésiter à les suivre.

Le roman de Stefan Casta s’étend d’un été à l’autre, au fil des quatre saisons qui rythment le deuil surmonté. La nouvelle maison va s’imposer lentement comme un personnage à part entière et autour d’elle, une nature très présente, dont nos héros semblent découvrir pour la première fois les métamorphoses. Est-ce le même renard entraperçu au moment de l’accident qu’Elina recroise dans la forêt enneigée ? Un jeune et beau voisin, prénommé Aron, rôde aussi dans les parages, apparaissant et disparaissant comme un vagabond sans attaches. On devine bientôt que quelque chose le relie à l’histoire de la maison, sans qu’on sache quoi. Va-t-il prendre une place dans le cœur d’Elina ?

L’adolescente est progressivement partagée entre la ville, l’école, son amie iranienne Marjan et cette vie nouvelle au cœur de la nature où elle et Jörgen reprennent leurs marques. Jörgen s’essaie à plusieurs activités, sous le regard parfois inquiet, mais toujours indulgent, de sa fille, que son père ne cesse de surprendre et auquel elle doit sans cesse ajuster sa propre existence.


Il y a un charme particulier dans ce livre, indéfinissable et pourtant puissant. L’auteur introduit dans le décor et dans la vie quotidienne de ses héros des touches de mystère, des voix extérieures, des questions laissées provisoirement sans réponse, qui tiennent la curiosité du lecteur en alerte. Peu à peu, le regard précis et bienveillant d’Elina sur toutes choses nous enveloppe et ne nous lâche plus.

De l'autre côté - Stéfan Casta (traduit du suédois par Agneta Ségol) - éditions Thierry Magnier (385 pages, 17 €)

En podcast sur RCF Loiret (écoutez un extrait à 3:35) :

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