vendredi 8 février 2019

21 printemps comme un million d'années



La maladie, menaçante parce que parfois mortelle, est un ressort dramatique que la littérature pour la jeunesse ne se prive pas d’utiliser. Au point que les anglo-saxons, toujours à l’affût d’un genre à cataloguer, ont inventé le terme légèrement péjoratif et intraduisible de « sick-lit », écho à la « chick-lit », en clair, la « littérature de poulettes » tout aussi décriée par une certaine critique.

Avec son nouveau roman au titre à rallonge, 21 printemps comme un million d’années, Camille Brissot s’est aventurée dans ce genre, que Love story jadis et Nos étoiles contraires plus récemment ont su illustrer. Dans un précédent roman que je vous ai présenté ici même, La maison des reflets, elle avait imaginé que des personnes endeuillées puissent retrouver le cher disparu et discuter avec son hologramme, mû de façon parfaitement réaliste par une puissante intelligence artificielle. 

Ici, les « 21 printemps » sont ceux de Juliette, une jeune fille condamnée par une maladie implacable que notre autrice ne détaille pas. Aucun aspect morbide ne transparaît d’ailleurs dans son récit. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas la souffrance ou la mort elle-même, mais ce que sa perspective prochaine peut déclencher comme réactions et comportements chez une adolescente. Camille Brissot confie la narration à Victor, un ami d’enfance, qui revit pour nous ce qu’ont été les trois dernières années passées avec Juliette. Il y a d’ailleurs un récit dans le récit, puisque Victor raconte l’histoire de Juliette à des enfants qui l’ont connue dans l’hôpital où elle a été soignée avec eux.

Camille Brissot a campé une héroïne dynamique, que la perspective de sa mort prochaine n’a pas abattue. Au contraire. Elle fatiguerait presque son entourage, peut-être pour secouer et faire oublier la peine qui étreint chacun en silence devant cette belle jeune fille déjà condamnée. Juliette ne souffre heureusement dans les premiers temps d’aucun symptôme qui handicaperait sa vie. Mais elle est évidemment conduite à remanier complètement ses priorités dans ce temps, court mais indéterminé, qui lui reste. Victor suit comme il peut le tourbillon Juliette, subit ses crises de vie et ses absences, ses provocations et ses pudeurs brutales. 

Camille Brissot a fait de ses 21 printemps un roman curieusement optimiste, moyennant certes quelques impasses sur la vraie vie des malades. On aurait voulu connaître Juliette, on est troublé comme Victor par son impétueux chant du cygne. Et on se demande si on ne devrait pas vivre comme Juliette, dans ce temps qui nous reste à nous aussi.

Écouter cette chronique (extrait lu à 2:34) :



21 printemps comme un million d’années – Camille Brissot – Syros (22 pages, 14,95 €)

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