vendredi 31 juillet 2020

Comme des sauvages

Le roman noir de l'initiation



Comme des sauvages. Ce texte est sans doute un des plus sombres que j’aie lus en jeunesse depuis un certain temps. Bien sûr, il est bien écrit et ficelé – c’est du Villeminot - si bien qu’en dépit de sa noirceur je n’ai pas eu envie d’en arrêter la lecture, j’ai même désiré aller jusqu’au bout, malignement baladé par l'auteur. J’attendais une éclaircie, une embellie, mais au lieu de cela, j’ai eu l’impression de m’enfoncer dans un long hiver qu’aucun printemps n’a suspendu. Voyage au bout de la nuit. Peut-être Vincent Villeminot aurait dû mettre l'avertissement de Dante au seuil de son livre : "toi qui entres ici, abandonne toute espérance !". 

Si vous avez tendance à trop vous attacher aux personnages, redoutez la déception. Plus d’une fois je me suis récrié : « non, pas lui, non quand même pas elle ! ». Ici les jeunes héros (potentiels) meurent les uns après les autres, parfois en vertu de règles communautaires implacables édictées par les adultes – c’est le prix à payer pour l'initiation du groupe - d’autres fois en raison d’un destin tragique préécrit sans doute dans un autre Livre qui semble avoir été dicté à l'auteur. Car l’univers très réaliste de Villeminot se teinte sans crier gare de fantastique, lorsqu'un sixième sens – animal, métaphysique ? – se glisse dans les personnages et leurs visions individuelles, ou qu'une forme de domestication a imposé ses illusions collectives au troupeau humain, auxquelles le lecteur peut se laisser prendre aussi.

La nature est omniprésente, personnage sans visage du roman et c’est peut-être d’elle qu’émanent les seules possibilités de rédemption, les sentiments les plus sûrs et les plus purs : un bison, un loup, vivent et meurent sans drame apparent, selon les us de leur espèce ou parce qu’ils croisent la route d’un chasseur. On retrouvera dans ce livre les belles descriptions que Vincent Villeminot nous avait livrées dans les forêts de Nous sommes l’étincelle, cette autre dystopie ; mais aussi, dans un cadre naturel présumé innocent, d’impitoyables chasses à l’homme exemptes de toute pitié.

Comme des sauvages mérite bien son titre, qui renvoie à la fois à la vie sauvage immémoriale et à la sauvagerie nouvelle d’humains piégés dans une aventure vouée tôt ou tard à se dérégler. Vincent Villeminot qui nous a donné pendant le confinement un feuilleton bien haletant et dramatique, L’île, semble se spécialiser dans l’hécatombe pré-apocalyptique. Noir c’est noir. Même s’il n’en reste qu’un – allez, deux, avec vous, c’est promis, Vincent Villeminot ne tue pas ses lecteurices - embarquez-vous dans ce roman noir pour deviner lequel !

Écouter cette chronique (extrait lu à 02:35) :


Comme des sauvages – Vincent Villeminot – PKJ (320 pages, 18,90 €) - parution le 10 septembre 2020.

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