Où va l’avenir ? Va-t-il durer longtemps ? Que faire pour lui, pour nous ? Ces questions, les réponses plus ou moins réjouissantes qu’elles suscitent aujourd’hui de la part des futurologues de tout poil ont engendré depuis fort longtemps une littérature d’anticipation qui connaît un regain depuis que les perspectives d’évolution du climat dessinent, à un horizon plus moins proche, une catastrophe majeure qui pourrait engloutir tout ou partie de l’humanité. Les Anglo-saxons, toujours avides d’acronymes ont même inventé « clifi », pour « climate fiction », fiction climatique souvent plus vraie que nature.
La jeunesse étant concernée au premier chef par l’avenir, comme disait M. de la Palice, il n’est pas étonnant que de nombreuses autrices et auteurs pour la jeunesse se soient emparés du sujet. Les dystopies fleurissent donc dans toutes les maisons d’édition. Mais comme, Dieu merci, on est en jeunesse, les auteurices s’efforcent le plus souvent de ne pas « désespérer Billancourt » ni leur jeune public. Dans l’ensemble, le monde s’en sort, du moins les héroïnes et les héros qui se le coltinent, même s’ils y laissent des plumes.
Le nouveau roman de Vincent Villeminot s’appelle Nous sommes l’étincelle. Pour l’essentiel il se situe pendant quelques journées du mois de mai 2061. Les trois frère et sœurs que nous découvrons dans une scène bucolique d'ouverture, Dan, Judith et Montana vivent dans une réserve de la Grande Forêt, en Dordogne où ils semblent être revenus à l’état de nature, Montana la sœur aînée pratiquant la pêche au harpon.
L’originalité du roman de Villeminot, qui fera aussi sa complexité pour un jeune lecteur, c’est de nous promener entre trois périodes, 2022, 2042 et 2061 pour nous faire saisir la généalogie des personnages et les évolutions, peu linéaires, de la société. Il situe en 2022, donc à un moment très proche de nous, la sécession d’une partie de la jeunesse, en écho au manifeste d’un jeune Anglais, Thomas F. qui l’invite à sortir de ce monde. Do Not Count on Us (Ne comptez pas sur nous), n’est pas un cri de rébellion mais la tranquille affirmation de toute une génération qui met la clé sous la porte pour partir vivre en petites communautés, dans la forêt, sans portables, sans carte bleue, sans argent. Pour tout réinventer en partant (presque) de zéro. Un Larzac de masse, cinquante ans après.
Cette nouvelle utopie va fleurir mais sera mise à mal au fil des années par des braconniers tout aussi organisés mais lourdement armés, des groupes d’humains revenus au cannibalisme, des commandos militaires chargés périodiquement de remettre de l’ordre dans ce monde parallèle. Le temps va passer et redistribuer les cartes entre les fondateurs de cette sécession, parfois morts tragiquement, ou qui auront pris des chemins de survie différents, et leurs descendants.
Vincent Villeminot nous promène avec virtuosité dans les différentes époques de son roman fleuve. Il nous fait frôler la nôtre, ce qui donne un crédit de vraisemblance supplémentaire à celles qu’il invente. Ses idéalistes ne sont pas naïfs : ils savent que le Mal rôde, frappe à l’improviste. Il a le visage de prédateurs échappés à la civilisation, de barbares de la forêt. Les trois enfants sauvages leur échapperont-ils ? Leurs parents réussiront-ils à les sauver ?
Écouter cette chronique (extrait lu à 3:20) :
Nous sommes l'étincelle - Vincent Villeminot - PKJ - 2019 (508 pages, 18,90 €)
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