"Je suis contre les rapports humains réels"
Il y a trois ans naissaient en librairie Flora et Max, dont Martin Page et Coline Pierré avaient inventé la folle rencontre, celle de deux ados qui étaient parvenus l’un par l’autre à se libérer à distance de leurs enfermements respectifs, Flora de sa prison bien réelle et Max de sa chambre d’où il ne voulait plus sortir.
On avait un peu envie de savoir ce qu’ils deviendraient une fois revenus dans la vie dite normale. C’est chose faite avec Les nouvelles vies de Flora et Max publiées à l’école des loisirs en ce début novembre. Flora tente l’aventure de l’université, choisissant l’anthropologie parce que c’est une discipline qui semble parfaitement inutile et sans débouchés. Max opte sans plus de conviction pour un CAP cuisine et commence parallèlement son apprentissage des autres êtres humains qu’il s’était bien gardé jusqu’ici de fréquenter. « Je suis contre les rapports humains réels » affirme-t-il d’emblée.
Evidemment, ils se retrouvent et ça leur fait tout drôle de se découvrir, eux qui n’avaient fait que correspondre. Comme ils ne savent pas encore bien faire, Max, qui attend Flora à sa sortie de prison, lui tend une lettre où il a écrit : « Je crois qu’on va faire des économies de timbres ». Flora éclate de rire, se demande si elle va prendre Max dans ses bras, ne le fait pas et rejoint ses parents qui l’attendent eux aussi.
La suite, c’est l’histoire de ce nouvel apprivoisement mutuel à l’air libre. Chacun suit la voie fragile qu’il a commencé d’emprunter et croise de temps en temps celle de l’autre. Ils continuent à s’écrire. Flora a pris un petit boulot dans une maison de retraite autogérée. Leur histoire va s’accélérer et basculer quand la survie de cet établissement est soudainement menacée par un projet de centre commercial. La résistance s’organise. Nos deux handicapés de la vie s’y engagent. Devant les bulldozers, pour la première fois, Flora et Max se donneront la main.
Les nouvelles vies de Flora et Max sont écrites à quatre mains et à deux voix. Chacun raconte sa vie et, de son point de vue, les événements vécus ensemble. Les chapitres de longueur variable alternent donc le récit de Flora et celui de Max, incluant quelques messages car ni l’un ni l’autre n’ont perdu le goût de cette correspondance qui a vu naître et grandir leur relation. Simplement, la messagerie électronique a remplacé la Poste.
Coline Pierré et Martin Page ont dédié Flora et Max à Cyrus, leur jeune fils, plaçant tout leur petit monde sous le patronage encourageant d’Anaïs Nin : « L’imagination nous apprend qu’il y a toujours une issue ».
J’ajoute, comme supplément à cette chronique, et avant de vous laisser en compagnie de Flora et Max, que Coline Pierré et Martin Page viennent d’avoir la bonne idée de recueillir les témoignages d’artistes sur leurs conditions actuelles de vie et de les éditer via leur propre maison d’édition, baptisée Monstrograph. Ça s’appelle Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger ? Il y 31 réponses en 342 pages et c’est passionnant de plonger dans la vie de ces étonnants mammifères.
Écouter cette chronique (extrait lu à 3:03) :
Les nouvelles vies de Flora et Max – Martin Page & Coline Pierré – l’école des loisirs, 2018 (251 pages, 14,50 €)
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