mardi 27 octobre 2015

La folle rencontre de Flora et Max

Deux ados prisonniers




Harcèlement, déscolarisation : on imagine bien le classement de ce texte en bibliothèque à partir de ces mots-clés. L’émergence de ces deux phénomènes, en apparence indépendants, qui touchent un nombre croissant de jeunes, forme en effet la matière sous-jacente du roman épistolaire écrit par Martin Page et Coline Pierré (à l’école des loisirs, en librairie le 11 novembre 2015). Les faire se croiser dans un même récit comme deux symptômes, finalement ajustables, du mal-être contemporain de la jeunesse et de sa révolte est l’idée de ce livre, écrit à quatre mains et deux voix, aussi opportun qu’important.

Mais plutôt que « folle rencontre », on serait tenté de l’intituler « la sage rencontre de deux fous ». Puisqu’en s’écrivant – et quoi de plus sage qu’une correspondance rédigée comme au siècle dernier sur du papier avec un stylo – Flora et Max vont se décrire mutuellement la situation d’enfermement et d’impuissance dans laquelle ils se retrouvent tous les deux : l’une dans une prison bien réelle de la République et l’autre dans sa chambre, sur le modèle de ces milliers d’hikikomoris qui, au Japon, ne sortent plus de chez eux. A la forteresse intérieure de Max répond idéalement la cellule de Flora qui, au seuil de sa majorité, a « pété les plombs » et plongé dans le coma une élève de son lycée qui la harcelait. Victime devenue coupable, elle a récolté d’une justice sans indulgence 6 mois de prison ferme. Aucun enseignant ni élève de sa classe n’a voulu témoigner en sa faveur de ce qu’elle subissait depuis des mois.


Au fil des lettres, Flora et Max se dévoilent en contant leurs histoires parallèles. Ce qu’ils écrivent fait bouger peu à peu les lignes de leurs vies provisoirement arrêtées. Et chacun d’envisager ce qu’ils feront ensemble de leur liberté quand ils l’auront recouvrée, dans un monde qu’ils voudront définitivement différent de celui qui les avait condamnés à la solitude. En échangeant, ils apprennent à le refaçonner à leur image. Dans leur intranquillité, Flora et Max ont la chance d’être entourés de parents évidemment inquiets mais plutôt attentifs et bienveillants, qui acceptent peu à peu leurs personnalités. A deux, dans cette sorte de journal intime partagé, ils démontrent ce qu’une écriture peut délivrer, qui sait marquer les étapes d’une renaissance, les jalons d’un chemin de résilience. Qui sait ouvrir les yeux des adultes et soutenir l’espérance d’une autre société qui refuserait la double pression de la compétition et du conformisme.

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