vendredi 18 janvier 2019

Les yeux d'Aireine



Un jour, quelque part, votre monde familier se fissure. Ou plutôt : les images de votre monde se troublent, se brouillent. C’est encore votre monde et ce n’est plus lui, comme s’il avait décidé de vous faire défaut, de vous abandonner. Vos plus fidèles ami•e•s semblent s’éloigner de vous, vos parents, les êtres auquel vous vous fiiez totalement se transforment imperceptiblement et deviennent des étrangers, que vous côtoyez encore mais vous ne comptez plus sur eux ni pour eux. Une onde d’indifférence envahit tout et pourtant c’est aussi une onde menaçante, qui va vous envelopper si vous ne décidez pas de vous arracher à elle, de fuir vous aussi, comme ce monde a commencé à fuir. Le Socle se défait, la folie guette.

Dominique Brisson nous entraîne, avec Les yeux d’Aireine, dans une expérience de déroutement du lecteur qui prouve encore une fois les ressources de la littérature, capable de créer ici une  sorte de caisson d’isolation sensorielle et affective qui nous arrache à ce monde-ci pour nous emmener « ailleurs ».

Son roman enchâsse deux récits : celui d’Aireine et celui d’Achelle, son arrière-petite-fille qui va recueillir ses écrits, entreprendre de découvrir dans les archives de la Ville l’Histoire qui les entoure et hériter de son aïeule. Quand le monde d’Aireine se délite, elle laisse en effet le témoignage du processus qu’elle observe autant qu’elle peut pour le retenir, le ralentir. En vain. Achelle partira à la recherche de ce passé qui n’est pas complètement perdu et comprendra d’où elle vient et ce qu’on lui a caché, guidée par les yeux d’Aireine.

Ce livre propose une dystopie prenante. Son autrice m’a pris dans les rêts de son écriture et m’a emmené où elle voulait. Comme à colin-maillard, son récit m’a fait tourner la tête et j’ai avancé à tâtons, un peu étourdi, pas toujours sûr du chemin ni de ce qu’il y avait à saisir : les yeux bandés, en fait, comme si je voyais l’invisible qui s’écrivait entre les lignes et m’attirait irrésistiblement vers son étrangeté.

Écouter cette chronique (extrait lu à 2:22) :



Les yeux d’Aireine – Dominique Brisson – Syros (273 pages, 16,95 €)

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