vendredi 26 mai 2023

Jeanne d'Arc



L’éditeur Oskar a créé une collection intitulée « Elles ont osé » dans laquelle il a publié quelques portraits de femmes hors du commun, de Dorothy Counts à Greta Thunberg, de Joséphine Baker à Gisèle Halimi. J’y ai découvert pendant les dernières journées johanniques que nous venons de vivre, un petit livre d’une centaine de pages consacré à Jeanne d’Arc, sous-titré « Une jeune fille libre au Moyen-Âge ». Ce livre était en vente au musée des Beaux-Arts d'Orléans.

L’autrice, Catherine Cuenca, a imaginé de multiplier les points de vue sur son héroïne, à différentes époques, faisant parler  celles et ceux qui avaient été témoins de l’étonnant parcours de la Pucelle, depuis l’époque des voix entendues à Domrémy jusqu’à celle de la réhabilitation officielle, 25 ans après sa mort sur le bûcher de Rouen. Cuenca fait aussi revivre Jeanne elle-même, dans la guerre contre les Anglais, dans l’autre champ de bataille aussi que fut celui du tribunal, face à l'évêque Cauchon.

Le XVème siècle est un monde d’hommes et la traversée fulgurante qu’accomplit Jeanne, cette jeune fille de 17 ans, dans ce monde-là reste stupéfiante, quelque cinq cents plus tard. Les voix divines qu’elle invoque à l’appui de ses démarches – rencontrer le roi en personne, prendre la tête d’une armée, savoir la galvaniser aux moments-clés – ne pouvaient sans doute être reçues qu’à une époque encore toute pénétrée par la mystique chrétienne. Cette pénétration est sans doute révolue aujourd’hui, sans préjuger de l’avenir du christianisme. Même si la cantate de l’Étendard réaffirmait encore à l’issue de la messe du 8 mai dans la cathédrale d’Orléans : « de nouveau consacrons l’alliance de notre épée avec la Croix. »

C’est néanmoins la grande réussite du petit livre de Catherine Cuenca que de nous proposer différentes vues sur Jeanne, jusqu’à celle de Jeanne sur elle-même et de nous faire entrer dans un début d’intelligence et de reconstitution de ce qu’elle fut et qui ne peut que fasciner encore aujourd’hui toutes les jeunes filles mais aussi tous les jeunes gens. Dans la rapidité, la précocité, l’efficacité de ce destin, il y a une indéniable dimension christique. Il n’y a pas jusqu’à sa brièveté qui ne puisse être comparée à celle de son Maître. Et c’est parce que l’aventure de Jeanne est unique elle-aussi dans l’Histoire qu’elle demeure inspirante à jamais, fût-ce au risque des récupérations nationalistes que l'on sait.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:34) :


Jeanne d’Arc – Une jeune fille libre au Moyen-Âge – Catherine Cuenca  - Oskar éditeur – 2021 (96 pages, 10,95 €)


vendredi 19 mai 2023

Tout Ella

 



Quand le livre commence, Ella est en train de passer son permis et en descendant de la voiture, elle n’est pas entièrement sûre que les petites blagounettes dont elle a émaillé son examen de conduite aient plu à l’inspectrice. Et surtout, elle est à la veille des résultats du bac, qui n’a été qu’une simple formalité pour Maya, celle qu’elle nomme l’extra-terrestre, tant ses talents sont multiples. Ella espère qu’un peu de son amie surdouée a déteint sur elle pendant l’année scolaire. Et puis il y a Ben qui complète le trio, un garçon aussi réservé que charmant, dont Maya est amoureuse en secret, un secret dont Ella est la seule dépositaire. Ce dépôt secret va devenir très embarrassant pour Ella quand Ben lui révèle que oui, c’est sûr maintenant, il préfère les garçons…Doit-elle le dire à Maya et dissiper les illusions de sa meilleure amie ?

Tout ça ne ferait jamais qu’un commencement d’histoire, s’il n’y avait aussi Zaza. Zaza, c’est Rosa, la grand-mère d’Ella, son refuge et surtout le seul lien qui lui reste avec son père, mort quand elle avait 8 ans. C’est Zaza qui comble tous les jours le trou, la faille, laissée dans le cœur d’Ella par ce père parti trop tôt. Et là, pour la première fois, de façon totalement incompréhensible, Zaza est aux abonnées absentes. Disparue sans un mot, évanouie dans la nature, elle qui n’aurait jamais oublié d’appeler Ella pour savoir jeudi si elle avait eu son permis et vendredi si elle avait eu son bac. Ce vide est insupportable pour Ella. Il faut retrouver Zaza à tout prix et elle réussit à entraîner Ben et Maya dans sa recherche en collant Ben au volant de la voiture de sa grand-mère, direction Saint-Malo.

Sara Émilie Simone, dont Tout Ella est le premier roman, et les éditions Sarbacane nous proposent une comédie du passage à l’âge adulte aussi alerte que  réjouissante. Le permis de conduire et le baccalauréat restent sans doute les deux dernières épreuves emblématiques qui marquent ce passage, la première sanctionnant le droit à l’évasion et la seconde clôturant le long parcours des études secondaires qui évoque pour beaucoup la plaisanterie attribuée à Woody Allen : « l’éternité c’est long, surtout vers la fin ». Mais pour Ella, le passage s’opérera vraiment à travers cette quête angoissée de Zaza disparue, jusqu'à son dénouement.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:16) :


Tout Ella - Sara Émilie Simone - Sarbacane (209 pages, 16,50 €)

vendredi 5 mai 2023

Un meilleur meilleur ami



Aujourd’hui, place aux tout-petits !

« Ce matin, en me promenant, j’ai trouvé un meilleur ami. »

C’est par ces mots que commence le nouvel album de l’auteur-illustrateur Olivier Tallec. Pour la quatrième fois, il met en scène son écureuil aux yeux perpétuellement grands ouverts d’étonnement sur le monde qu’il découvre et invente.

Cette fois, notre écureuil est bien convaincu d’avoir trouvé son meilleur ami en la personne de Poc, un champignon avec lequel il va traverser un automne et un hiver. Poc n’est guère bavard, mais il n’est pas contrariant et surtout il est toujours partant pour faire des choses, comme regarder les feuilles tomber, contempler les premiers flocons de neige ou même fabriquer un bonhomme de neige.

Mais quand le printemps arrive, Momo s’invite auprès des deux amis. Momo est une sorte de mouche, bien sympathique elle aussi, bien meilleure que Poc en ricochets sur la rivière. Du coup, notre écureuil s’interroge. Ne serait-ce pas plutôt Momo son meilleur ami ? Est-ce qu’un meilleur meilleur ami, ça existe ? Il n’arrive pas à choisir. En fait il ne veut pas deux meilleurs amis, il n’en voudrait qu’un. Est-ce possible ? 

Seulement voilà, un beau matin, Günther s’invite auprès des trois amis. Günther est une sorte de souris qui semble vouloir s’installer elle aussi auprès des trois amis. Quelle casse-tête ? Peut-on vraiment avoir trois meilleurs amis ?

Olivier Tallec nous montre son écureuil en proie à des doutes existentiels sur l’amitié et l’on ne peut s’empêcher de sourire devant la dernière image qui semble les avoir résolus…

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 01:42) :


Un meilleur meilleur ami – Olivier Tallec – album Pastel (30 pages, 13,50 €)


Sans crier gare

  Aimez-vous les livres qui simultanément ou dans un ordre quelconque vous font peur, vous font pleurer et vous font rire tant et tant que v...