vendredi 29 novembre 2019

Mais je suis un ours !




Comme dans la littérature générale, il y a des classiques dans la littérature pour la jeunesse, qui sont, pour cette raison, périodiquement réédités. C’est le cas du livre de l’écrivain américain Frank Tashlin, Mais je suis un ours ! Publié pour la première fois aux Etats-Unis en 1946, il a dû attendre 1975 pour être traduit à l’école des loisirs, qui le republie ces jours-ci au format poche.

C’est peu de dire que ce petit livre tombe à pic en ces temps de crise d’identité. Car il nous conte, de façon à la fois comique et inquiétante, l’angoisse identitaire d’un ours qui, au sortir de l’hibernation, se trouve brutalement propulsé au cœur d’une entreprise hautement industrielle et hiérarchisée.

À chaque étape de son embrigadement dans la civilisation humaine, notre ours a beau protester de sa nature d’ursidé, protestation qui donne son titre au livre, il lui est opposé à chaque fois qu’à l’évidence, il n’est pas un ours mais - je cite - « un imbécile qui a besoin de se raser et qui porte un manteau de fourrure ».

Le petit lecteur est d’emblée du côté de l’ours, puisque le dessin de Frank Tashlin démontre à l’évidence sa bonne foi. Il est bien un ours, et les imbéciles sont tous ceux qui, dans l’histoire, en doutent de plus en plus furieusement. Le coup de grâce lui sera donné par ses propres congénères ! C’est donc un ours bien déboussolé qui va retrouver sa forêt lorsque l’usine où il a perdu sa vie le licencie. Y retrouvera-t-il ses repères ?

Mais je suis un ours ! fait rire petits et grands. Lu à voix haute, son comique de répétition est des plus efficaces. Il y aussi un note de surréalisme ou de 'nonsense' dans ce récit qui plaira aux plus âgés, qui pourront y lire aussi une allégorie du conflit de longue durée entre les êtres humains et la nature.

Écouter cette chronique (extrait lu à 1:55) :

Mais je suis un ours ! – Frank Tashlin – traduit de l’anglais par Adolphe Chagot – Mouche de l’école des loisirs – 1975, 2019 (7,90 €) À partir de 7 ans.



vendredi 22 novembre 2019

Vampyre




C’est au mitan des années soixante-dix que le mythe du vampire, créé par Bram Stoker et son Dracula, paru en 1897, a été revisité par Anne Rice avec son livre Entretien avec un vampire. Depuis, la figure de ce prédateur sanglant a été diversement déclinée, notamment par Stephenie Meyer et sa série Twilight, romance à crocs. Dans son nouveau roman, intitulé Vampyre, Lorris Murail, met en scène un avatar de ces étranges créatures, qui errent parmi la faune nocturne de New-York et de ses bas-fonds.

Avatar car il y a vampire et vampyre… Le vampyre de Murail est habillé d’un i grec. Il ne se nourrit pas du sang de ses contemporains mais de leur énergie vitale, qu’il aspire par des procédés qui ne doivent pas grand chose à sa paire de canines ou à sa cape noire.

A l’approche d’Halloween, Mia et Janet, deux adolescentes, entrent dans une boutique de déguisements. Elles n’y achètent que des bricoles mais trouvent, par terre un pendentif, une ânkh, une croix égyptienne, qu’elles ramassent discrètement – croient-elles – avant de s’éclipser de la boutique, sans en dire un mot au patron qui n’a rien vu – pensent-elles.

Cette croix va entraîner Mia dans une fête un peu spéciale où Terry, un camarade de classe tout aussi spécial, la dépose. Un homme d’âge mûr est attiré par cette jeune fille mineure qui ne devrait pas être là et quand elle sort, il la suit et met en fuite son agresseur. Fort de cet avantage, PhaX, c’est son nom, va inviter Mia dans son quatorzième étage et Mia, contre toute prudence, va accepter cette invitation.

Quand Mia disparaît, c’est son professeur de littérature, Aurélien Langford qui s’inquiète et mène l’enquête avec le fameux Terry, un garçon surdoué qui a une case en moins, celle peut-être avec laquelle il pourrait aimer Mia. En apparence, cette case vide ne parvient pas à perturber un esprit aussi logique que naïf, qui s’avèrera précieux autant pour Aurélien que pour Mia.

Lorris Murail est un auteur confortable. Je veux suggérer par là que ses romans se dégustent calmement, comme un cognac que l’on a chauffé lentement dans le creux de la main, assis dans un profond fauteuil de cuir, devant une belle flambée. Gorgée par gorgée, pourtant, un autre feu vous gagne, intérieur, auquel vous ne vous attendiez pas forcément. 

Dans Vampyre, il y a des miniatures et des grandes fresques, des expériences de pensée intimes et des scènes brutales, de la nature dans la ville et des tornades, un dilemme du tramway, un père explorateur, spécialiste des chauves-souris mais inquiet comme n’importe quel père, un professeur non conformiste, un genre d’autiste surdoué, des filles qui ne vont pas s’empêcher de vivre au motif que ça pourrait devenir dangereux. C'est tantôt drôle, tantôt sombre. Au bal des ombres, Lorris Murail mène la danse. Quand les lumières vont-elles se rallumer ?

Écouter cette chronique  (extrait lu à 2:60)



Vampyre - Lorris Murail - PKJ - 2019 (366 pages, 17,90 €)


vendredi 15 novembre 2019

Lou après tout - II. La communauté



C’est une Lou épuisée qui est parvenue au bord de la mer. Assise en tailleur sur le sable, la jeune guerrière a disposé autour d’elle les armes qui l’ont protégée jusqu’ici et c’est comme si elle les rendait, pour s’offrir à la mort-délivrance. Aboutir à cette plage, c’était pour elle entretenir et honorer la mémoire de Guillaume. Chaque combat qu’elle a mené pour y parvenir, chaque péril qu’elle a surmonté, elle l’a fait, soutenue par le souvenir du jeune homme qui l’avait sauvée, enfant, de la mort mais n’a pas su se sauver lui-même. Guillaume a laissé derrière lui une adolescente endurcie et aguerrie mais solitaire, avec pour tout viatique un carnet de poèmes et des vers d’Apollinaire.

Son chemin pourrait s’arrêter là si elle n’était l’héroïne de la trilogie créée par Jérôme Leroy, dont le deuxième volet, sous-titré La communauté, s’ouvre sur ce qui ressemble pour Lou à la fin de son errance. Alors que les Bougeurs, sortes de morts-vivants, l’entourent et s’apprêtent à la contaminer et à l’absorber dans leur terrible démence, trois garçons, qui avaient repéré Lou et l’observaient cachés les dunes, se portent à son secours et l’arrachent in extremis à l’horreur.

C’est ainsi que Lou fait connaissance avec Amir, Oscar et Roman qui vont l’introduire chez les Wims, une communauté qui, non loin de là, s’est solidement retranchée et organisée autour d’un homme charismatique et autoritaire, Michel Sanders, qui porte le titre de Délégué.

Dans Le grand effondrement, l’épisode précédent, nous avions laissé Lou s‘enfoncer dans un paysage de neige, alors qu’elle venait de quitter la villa Yourcenar, désespérée par la mort de Guillaume. Après nous avoir fait revivre sa longue marche vers la côte, périlleuse, au milieu des Bougeurs, des Cybs et des pillards de toutes sortes, Jérôme Leroy nous entraîne avec ses nouveaux compagnons à la découverte des Wims qui ont su rebâtir une micro-société dont la devise est « Nous reconstruirons dans la fraternité ».

Est-ce que Lou la solitaire va réussir à s’intégrer ? La classe des Guerriers n’admet pas les femmes en son sein, mais Lou va rapidement faire ses preuves et s’y faire admettre. Pourtant, un autre péril va bientôt la menacer quand elle tombe amoureuse d’Amir, l’un des trois garçons qui l’ont sauvée, car elle contrarie  alors les visées qu’avait sur elle le Délégué. Sera-t-elle de taille à faire valoir ses sentiments face à celui qui va se révéler être un implacable tyran ?

Ce second volet tient les promesses du premier. Au fil de péripéties haletantes dans un univers déglingué, Lou devient une jeune femme dans la plénitude de ses moyens et nous suivons son évolution dans le monde tourmenté et dangereux d’après le Grand Effondrement. Lou se reconstruit comme la Communauté des Wims s’est reconstruite. Et elle n’est plus seule.

Écouter cette chronique ( extrait lu à 2:40) :

Lou après tout – II. La communauté – Jérôme Leroy – 2019 – Syros (422 pages, 17,95  €)

vendredi 8 novembre 2019

Le voyage d'Ulysse



La mythologie grecque, largement reprise par les Latins fait partie du patrimoine littéraire de l'humanité. Les grands récits d'Homère que sont l'Iliade et l'Odyssée ont fait l'objet de nombreuses adaptations au long des siècles pour les rendre accessibles au plus grand nombre, délivrés des inévitables lourdeurs du texte original. Parmi ces différentes versions, il en est une particulièrement  pertinente, celle de l'Odyssée revue par Lorris Murail et publiée en 2005 chez Pocket Junior sous le titre le plus explicite qui soit : Le voyage d'Ulysse. Maintes fois rééditée depuis, elle fournit au public scolaire et aux enseignants – à vrai dire à quiconque voudrait découvrir les aventures d’Ulysse - l'outil idéal pour aborder sans peine ni douleur ce monument des Lettres classiques. 

De ce point de vue – simplification, lisibilité- il s'est avéré particulièrement judicieux de confier ce travail d'adaptation à un écrivain pour la jeunesse chevronné qui a su transformer cette formidable épopée en un roman d'apprentissage aux multiples rebondissements et aux tonalités  fantastiques, matrice de bien des littératures contemporaines qui l’égalent rarement.

On sait que les Grecs ont vaincu les Troyens et que leur victoire est due à la ruse d’Ulysse et à son fameux cheval (de Troie). C’est ce que raconte l’Iliade. Ulysse aurait dû revenir chez lui en vainqueur sur l’île d’Ithaque où l’attendent sa femme Pénélope et leur fils Télémaque. Au lieu de cela, il va errer pendant des années dans la Méditerranée, tantôt retenu par une nymphe ou la fille d’un dieu, tantôt bousculé par Poséidon, le dieu de la mer. Aux écueils naturels de toute navigation, s’ajoutent en effet toutes sortes de bonnes et mauvaises rencontres dont l’équipage d’Ulysse fait souvent les frais, tantôt dévoré par le Cyclope Polyphème, tantôt transformé en cochons par Circé la magicienne. Dans son malheur, Ulysse est heureusement épaulé par Athéna, la fille de Zeus, qui lui est d’une fidélité inébranlable et l’aidera à plusieurs reprises à se tirer d’un mauvais pas.

Je ne vous en dis pas plus et vous laisse en compagnie d’Ulysse qui vous conte sa terrible rencontre avec Polyphème, le fils de Poséidon, celui qu’on surnomme le Cyclope, un géant pourvu d’un œil unique au milieu du front.

Écouter cette chronique (extrait lu à 2:24) :


Le voyage d’Ulysse
 – Lorris Murail – PKJ (174 pages, 6,95 €) à partir de 11 ans.
 




Les étincelles invisibles

  Nous sommes à Juniper, un petit village écossais proche d’Edimbourg. Adeline, dite Addie, a 11 ans et deux sœurs jumelles plus grandes, Ni...