Depuis le Dracula de Bram Stoker, roman paru en 1897, la figure du vampire n’a cessé de fasciner des générations de créateurs et créatrices. Raison pour laquelle elle réémerge régulièrement dans la littérature et au cinéma. Elle est sans doute à l’origine de tout un pan de la littérature fantastique. On se souvient du roman d’Anne Rice, Entretien avec un vampire paru en 1976 et publié en 1978 dans une traduction française du compositeur Tristan Murail. Anne Rice allait exploiter le filon et donner à d’autres l’envie de le creuser, notamment en littérature jeunesse, Twilight ayant relancé récemment la franchise vampire en direction des jeunes adultes.
Les principaux traits du vampire sont connus. Il se nourrit de sang humain, ou à défaut, de sang animal. Sa morsure est mortelle s’il vide sa proie, mais, lui, est quasiment immortel et peut faire don de cette immortalité à ses victimes. Ce qui le rend doublement fascinant. Côté risque, je peux mourir de sa morsure mais, côté gain, je peux devenir immortel si j’endosse son costume et, à mon tour, mords, suce le sang des autres, jusqu’à les tuer parfois. Il incarne donc dans l’imaginaire contemporain la version sublimée du prédateur, entourée d’une aura qui le disculpe en partie. Car après tout, s’il tue, c’est pour vivre, et non seulement par plaisir ou sadisme comme le fait un vrai psychopathe.
Pour son nouveau roman, intitulé Virgile et Bloom, Joanne Richoux a donc choisi de remettre le couvert et d’inviter un vampire à sa table d’écriture. Virgile est un jeune homme ténébreux et taciturne qui porte encore beau pour ses 283 ans et qui s’est trouvé une raison sociale à notre époque en donnant des cours particuliers de violoncelle. Une de ses élèves, surnommée Bloom, qui vit sous la tutelle de sa grande sœur Élise, soupçonne très vite l’état principal de son professeur et finit par lui poser la question : « Virgile, est-ce que t’es un foutu vampire ? ». Dès lors, le sort de Virgile et Bloom sont liés, Bloom est amoureuse, c’est clair, Virgile pourrait peut-être découvrir, en faisant un effort, qu’il l’est aussi de sa jeune élève qui n’a pas froid aux yeux ni ailleurs. Mais « comment s’y prendre », pourrait leur chanter Juliette Gréco.
C’est l’objet de la suite du roman qui emmène le lecteur dans un voyage mouvementé jusque dans les sous-sols de la forêt de Brocéliande, autrement dit dans la Bretagne chère à notre autrice. Comme Virgile, recru de solitude, ambitionne d’être admis dans cette étrange communauté, nos deux héros vont être soumis à une sorte de bizutage angoissant de la part d’une galerie de monstres doués de pouvoirs paranormaux, jusqu’à une ultime épreuve initiatique que je vous laisse découvrir. Chemin faisant, nous apprendrons qui est réellement Virgile grâce à une succession de retours en arrière sur sa longue et effarante carrière, réservés au seul lecteur.
La relation entre une humaine amoureuse et un monstre, fût-il un séduisant vampire, n’est pas de tout repos. De leur côté, les créatures de Brocéliande, qui ont à leur tête Nico, une Harpie – c’est tout dire - trouvent les humains plus monstrueux encore et mijotent un nettoyage sélectif mais approfondi de notre planète. Tout pourrait donc très mal finir si notre autrice s’avérait incapable de calmer les tempêtes amoureuses et justicières qu’elle a voulu déchaîner.
Joanne Richoux a écrit un roman sang pour sang chaud et survitaminé qui revitalise un genre menacé par les minauderies de la romance, et qui réveillera les ados attardé•es dans Twilight et autres sucreries.
Pour écouter cette chronique (extrait lu à 04:08 )
Virgile et Bloom – Joanne Richoux – Actes Sud junior- (303 pages, 16 €)
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