vendredi 4 novembre 2022

La fille du phare


La fille du phare se prénomme Émilia. Mais comme sa mère s’appelait aussi Émilia, ça énervait Augustus, le père, qui a décidé de surnommer sa fille Loupiote. La mère est morte, mais Loupiote est restée. C’est elle qui tous les soirs monte au sommet du phare car le gardien en titre, son père, n’a plus qu’une jambe. C’est donc elle qui allume la lanterne qui guide les marins toute la nuit.

Un soir de tempête, négligence de Loupiote, plus d’allumettes, le phare reste éteint, un bateau se fracasse sur les récifs. Arrachée à son père qui, de colère, l’a frappée devant témoins, Loupiote coupable et rejetée, doit rembourser les dégâts. Elle se retrouve placée dans la Maison Noire, auprès de Martha, une sorte de gouvernante un peu dépassée. Le vrai gouvernail, c’est l’Amiral, mais il est toujours en voyage et son absence plane sur la Maison. Il y a aussi Nick, un homme à tout faire, et Lennie, un garçon un peu simplet. Surtout Loupiote apprend bien vite qu’un être mystérieux, que tout le monde semble redouter, y compris Martha, vit au sommet d’une tour de la maison, dont il ne sort jamais. 

La curiosité de Loupiote sera plus forte que sa crainte et elle gravira un jour les escaliers pour franchir la porte fatidique qui la mettra, au bout d’une longue patience, en présence d’Edward, le monstre de la Maison Noire. Va s’ensuivre un long apprivoisement de cet enfant blessé dans sa chair.

Annet Schaap est une illustratrice néerlandaise reconnue et La fille du phare, qu’elle a également illustré, est son premier roman pour la jeunesse, qui a reçu d’emblée à sa parution en 2017 trois prix importants aux Pays-Bas. Maurice Lomré nous en offre une superbe traduction. La fille du phare a la saveur des contes d’autrefois qui l’effleurent à maintes reprises de leurs réminiscences intemporelles. Les allumettes manquantes de Loupiote font songer à la Petite fille aux allumettes d’Andersen, le monstre au sommet de sa tour pourrait être le double masculin de la fée Mélusine. On croise aussi des baraques foraines et des pirates de haute mer. 

Loupiote a gardé dans la tête la voix de sa maman qui la soutient dans chacune des découvertes et des épreuves qu’elle traverse et qui composent au jour le jour son destin. Rien ne va arrêter son apparente fragilité. Elle va jouer le rôle de révélateur pour chacun des personnages jusqu’ici enfermé dans une prison intime et dans un rôle étroit. De ce point de vue, la Maison Noire est un peu le château de la Belle au Bois dormant, où tout serait resté figé jusqu’à l’arrivée de Loupiote, qui, au final, aura dénoué le monde alentour d’elle.

Annet Schaap s’est laissée porter par des visions qui forment autant de tableaux successifs qui s’enchaînent sous sa plume. Il faut accepter de se laisser emporter comme Loupiote dans le flot de ces images jusqu’à ses derniers mots : « Tout va bien ».

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:52) :



La fille du phare - Annet Schaap - traduit du néerlandais par Maurice Lomré - l'école des loisirs (366 pages, 17 €)


 

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