Aimez-vous les livres qui simultanément ou dans un ordre quelconque vous font peur, vous font pleurer et vous font rire tant et tant que vous ne les reposez qu'à contrecœur pour manger ou dormir et n'avez qu'une hâte, les rouvrir pour continuer votre lecture jusqu'à la dernière page ?
Alors celui que je viens de terminer est pour vous.
Nous sommes à l'été 1968, aux Etats-Unis. La guerre au Vietnam fait rage. Meryl Lee Kowalski, une teen-ager new-yorkaise, vient de perdre son meilleur ami Holling Hoodhood dans un accident de voiture stupide, alors qu'il allait voir un film stupide. Un Gouffre s'est alors ouvert sous ses pieds, qui se referme et se rouvre sans crier gare. Ses parents jugent urgent de dépayser leur fille d'un endroit où tout lui rappelle son Holling perdu à jamais et l'envoient poursuivre sa scolarité dans l'école de jeunes filles Sainte-Elene. Le jour de la rentrée, Meryl Lee est désespérée comme un chiot abandonné sur une aire d'autoroute quand la voiture de ses parents finit par quitter l'école malgré toutes ses supplications. Comment va-t-elle pouvoir survivre dans l'univers corseté du collège, à côté de riches pimbêches qui ne la calculent même pas ? C'est ce que le roman de Gary Schmidt raconte au long de ses quelque 460 pages.
Mais pas que. Car parallèlement aux destinées scolaires de ces demoiselles, se joue celle de Matt Coffin, un ado sauvage en fuite pour lequel Mme Nora MacKnockater, la principale du collège de Meryl Lee, va se prendre d'affection, on comprendra pourquoi plus tard. Que fuit Matt, serrant contre lui un taie d'oreiller bourrée de billets de 100 $ ? L'auteur va nous distiller peu à peu, à coups de retour en arrière, son itinéraire pour le moins effrayant. L'homme qui le traque, Leonidas Shug, ne le lâchera pas, se vengeant sur tous ceux qui auront aidé Matt dans sa fuite. Pourrait-il aussi s'attaquer à Mme MacKnockater, auprès de qui Matt a enfin trouvé un foyer ?
Il paraît que les parallèles se rejoignent à l'infini. Se pourrait-il que les destinées de Matt et de Meryl Lee se rencontrent avant ce terme improbable ?
La lecture de Sans crier gare se nourrit de cet espoir, si mince soit-il, il ne faut pas se le cacher. Entre la vie de jeunes collégiennes que leurs enseignantes destinent aux plus hauts Accomplissements (avec un A majuscule) et celle de Matt qui vit dans la terreur d'être retrouvé par celui qui a tué son meilleur ami, il n'y a pas grand rapport. Pourtant, pourtant... Ah, vous verrez bien. Lisez Gary D Schmidt !
Ce roman est le troisième d'une trilogie qui commence avec La guerre des mercredis que j'aurais pu vous présenter en 2016 si j'avais déjà sévi à l'époque sur cette antenne. J'avais presque oublié Gary Schmidt et combien ce qu'il écrivait faisait du bien à ses lecteurs. Comme j'ai oublié de lire le deuxième volet, Jusqu'ici, tout va bien, oubli que je vais me dépêcher de réparer. Pourquoi hésite-t-on à tout lire d'un auteur qu'on a aimé une fois ? Par peur d'être déçu ? Si on aime, n'est-ce pas pour toute la vie ?
Je vais me répéter mais la traductrice, Caroline Guilleminot, a su rendre avec une précision millimétrique un récit sous understatement permanent, vous savez ce style fait de litotes, d'euphémismes, qui dit les choses sans les dire tout en les disant et qui vous cueille régulièrement au détour d'une ligne, au moment où vous ne vous y attendez pas, d'un rire ou d'un sanglot, quand il ne vous fiche pas carrément la trouille.
Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:27) :
Sans crier gare – Gary D. Schmidt – traduit de l'anglais (États-Unis) par Caroline Guilleminot – Medium+ de l'école des loisirs (462 pages, 19 €)
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