La semaine dernière, je vous avais emmené au grand large avec le livre de Stéphane Michaka, De larmes et d’écume. Aujourd’hui, pour cette dernière émission de la saison 2022-2023, je voudrais vous laisser au seuil de l’été avec Quentin Zuttion.
Quentin Zuttion, je vous en ai parlé à la fin du mois de janvier. Souvenez-vous, c’était une BD pas comme les autres, au titre à rallonge, Toutes les princesses meurent après minuit, qui allait recevoir un prix spécial du jury jeunesse au Festival international de la BD d’Angoulême, un Fauve. Si vous avez raté cette émission, vous pouvez la réécouter sur le site de RCF Loiret ou sur ce blog.
À vrai dire, je ne connaissais par grand-chose de l’œuvre de Quentin Zuttion, qui tient pour l’heure en sept titres (dont Appelez-moi Nathan, chroniqué ici-même) et je suis passé par la médiathèque centrale d’Orléans qui m’a rapatrié de la médiathèque Genevoix de La Source deux de ses ouvrages, Touchées, paru en 2019 et La Dame blanche, publié en 2021.
Touchées met en scène trois jeunes femmes victimes de violences sexuelles, qui vont se rencontrer dans un atelier d’escrime thérapeutique auxquelles elles se sont inscrites pour se libérer de ce qu’elles ont subi et tenter de reprendre en mains leur vie. Lucie a un jeune garçon de 6 ans, Léo, et dort la nuit – mal - avec un couteau de cuisine sous son oreiller. Tamara se bat, s’éclate, se rencoquille. Quant à Nicole elle s’est carrément effacée. Quentin Zuttion nous les montre dans leur vie quotidienne et à leur cours d’escrime, où elles sont accompagnées par Eva, un psychothérapeute spécialisées dans les violences sexuelles et conjugales. Au bout d’un an, quelque chose a changé pour chacune, qui a appris à attaquer, à se protéger, sabre au clair.
Le deuxième album La Dame blanche nous transporte dans un tout autre quotidien, celui d’une maison de retraite, vu par Estelle, une infirmière et ses collègues. Quentin Zuttion nous plonge au cœur de l’intime des relations entre le personnel soignant et les résidents et nous montre quels liens se tissent au fil des soins, des repas, des parties de cartes et des morts. C’est d’ailleurs sur la toilette mortuaire lente et attentionnée de celle qui se faisait appeler Madame l’ambassadrice que s’ouvre l’album. Le talent de Quentin Zuttion éclate dès cette scène inaugurale, faite de plans larges et de détails, qui orchestrent le ballet des deux jeunes femmes autour du corps de Sophie, traité avec un infini respect. On a beaucoup parlé des « métiers essentiels » pendant la crise du Covid. L’art de Quentin Zuttion manifeste ici de façon transcendante l’essence humaine de cet essentiel.
Voilà, j’aurais voulu vous traduire mieux que je ne l’ai fait les fortes impressions que ces deux livres m’ont laissées. Quentin Zuttion n’a que 34 ans. Auteur-illustrateur, c’est d’ores et déjà un des grands artistes de la BD française et du roman graphique, qui a tous les atouts en main pour devenir le plus grand. Pour l’y aider, achetez ces deux albums et les autres, comme je vais m’empresser de le faire.
Pour écouter cette chronique :
Touchées est publié chez Payot Graphic, 204 pages, 21,80 € et La Dame blanche chez Le Lombard, 208 pages, 23,50 €
Je vous donne rendez-vous en septembre pour de nouvelles découvertes. Et n’oubliez pas que la littérature jeunesse est l’avenir de la littérature !
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