vendredi 22 septembre 2023

Tous nos rêves ordinaires



 Les éditions Sarbacane n’étaient pas nées quand ce roman commence et la bande son qui l’accompagne est tout aussi datée. Mais c’est le ton de l’été, de tous les étés où l’adolescence explose. Le nouveau livre d’Élodie Chan nous raconte Tous nos rêves ordinaires – c’est son titre. 

Ces rêves, ce sont ceux de quelques ados qui se parlent ou se jaugent, qui s’attendent ou se défilent, qui s’espionnent ou qui s’aiment, de près ou de loin. C’est un prologue situé en 1994 qui nous présente Cyrus « - peau brune, buisson de cheveux crépus et des yeux en amande - » et ses potes du moment, Antonin et Mehdi. Pour une roue arrière réussie, Cyrus pourrait remporter un tome de « Chair de poule » et un mug Sony. Mais s’il rate, il va perdre sa collection de Pogs. Allez, c’est parti. Cy, comme tout le monde le surnomme, va perdre mais il va gagner bien plus : le sourire de Romane, sa petite voisine rousse qui sent si bon le savon au lait et la grenadine et qui est sortie de sa maison pour voir les exploits des garçons...

On pourrait croire que l’adolescence tue l’enfance, qui ne resurgira que bien plus tard. Mais Cyrus ne va pas oublier Romane. Oh, six ans plus tard, bien sûr, elle ne le « calcule » plus quand elle passe devant lui en rollers en compagnie de Lola. Romane et Lola, deux filles attrape-cœurs, nombrils à l’air et mini-shorts. Comment Cyrus pourrait-il espérer attirer l’attention de Romane, Romane qui pourtant vit chez l’Ogre, Serge, un père à la main leste, coincé entre une femme maladive qu’il maltraite et sa fille dont la beauté naissante lui tord l’estomac.

Peu à peu, Élodie Chan nous fait pénétrer dans le petit monde de la cité et dessine les contours mouvants de ses personnages. Le rêve de Lola, c’est un concours Futures stars qui la propulserait à Paris vers la grande finale. Chloé, elle, rêve déjà avec ses livres et Cyrus lui plait bien, qui n’a d’yeux que pour Romane. Un jour qu’elle vient lire sur un banc, se présente Ydriss. Un autre jour, sur le même banc mais sans livre, ils seront obligés de se rapprocher pour écouter les Sages poètes de la Rue, une paire d’écouteurs pour deux.

À Val-de-Seine, il y a un lac, une plage, des cabines. Gabriel, le beau gosse friqué, le fils à sa maman, séduit autant qu’il veut jusqu’à ce que Romane dérègle son jeu. Le voilà déstabilisé, amoureux à son tour, lui qui a toujours tenu les sentiments à distance. Il en deviendrait presque touchant, sympathique.

Cet été-là aussi, Colorizol, la grande usine de produits chimiques, flambe. Serge est au chômage du jour au lendemain, Serge qui essaie de se remémorer sa dernière journée au travail, dans les détails. Ne serait-ce pas lui le responsable de l’incendie ? À cette idée, la panique l’envahit tout entier.

Elodie Chan conduit avec tendresse et précision cette chronique douce-amère d’un été au cours duquel tous ses ados vont se découvrir, mûrir, jusqu’à prendre à la rentrée, pour certains, des décisions qui les libéreront. Ce roman d’apprentissage est l’un des dix livres sélectionnés pour le prix Vendredi 2023 qui sera proclamé le 13 novembre prochain.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:12) :


Tous nos rêves ordinairesÉlodie Chan – Sarbacane – 2023 (249 pages, 16,50 €)


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