"Ma sœur ne survivrait pas sans moi."
« Les jours qui avaient suivi, marqués par le mécanisme efficace et
silencieux des tâches dictées par le deuil avaient donné à Chloé l'illusion que
tout était encore possible ». Mais vingt et un mois plus tard, dans le cabanon
au fond du vallon, dans cette nature que frère et sœurs ont parcourue en tout
sens depuis tant d'années, les images du passé et celles du présent resurgissent, se chevauchent, affolées par leur propre va-et-vient. Madeleine,
l'invitée, l'amie du lycée, remet ses pas en toute inconscience dans ceux de
Béryl, la sœur jumelle morte. Sa silhouette s'encadre dans les mêmes portes,
son corps plonge dans la même rivière, remonte à la même source et même, avec
Félicien, l'ami d'Alban, tout semble recommencer.
Chloé ne se reconnaît pas. D'ailleurs elle n'a jamais su, dans l'ombre de
Béryl, à quoi ça ressemblait d'être soi. « C'était sa sœur qui donnait le ton
aux choses et aux gens. » Maintenant qu'elle est seule, en plein soleil, elle a
peur de cette fille imprévisible, qu'elle ne connaissait pas et dont elle se
méfie : elle-même. La psy qu'elle a vue après la mort de Béryl n'a rien pu pour
elle mais elle sait qu'elle l'a avertie de la puissance des chagrins enfouis.
Chloé n'a jamais pleuré. Elle s'est simplement arrêtée de vivre, dans une sorte
de coma éveillé. Alors que l'incendie se propage autour du vallon, tout peut-il
se répéter, dans une nuit aventureuse, jusqu'à l'insoutenable ?
Marie-Sophie Vermot compose un beau roman
solaire et intimiste, jouant sur le jour et la nuit, puisque le beau temps,
immobile, attend la pluie. Elle touche juste, aux bons endroits, par surprise
parfois, là où ça bouge et ça fait mal parce que, malgré tout, la vie pousse
très fort et dans tous les sens quand on a dix-huit ans et qu'on pense avoir
tout perdu, irrémédiablement.
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