samedi 12 décembre 2009

Dans l'ombre de ma soeur

 Une sœur peut en cacher une autre



Dans l'ombre de ma sœur met en scène une famille mixte, père tunisien et mère européenne, qu'on devine convertie à l'islam par amour. Sirine, la « petite » sœur - treize ans quand même - vit dans l'ombre de Lina, une adolescente en crise ordinaire, de deux ans son aînée, qui met gentiment le souk dans la famille. Emilie, la maman, est enceinte d'un petit ravisé, peut-être le garçon espéré. Elle est un peu dépassée et ne sait plus trop comment gérer sa grande fille. Le jour où Lina découche une nuit de trop, sans prévenir, c'est le gros drame. Au retour de la fugueuse, Hakim, le papa si tendre, le mari si attentionné, explose : il attrape sa fille par les cheveux, la jette sur le canapé, vide son sac par terre et éclate son portable contre le mur. « Je te jure que tu ne vas plus sortir de cette maison ! ». 

Pour Sirine, sa sœur vient de détruire la-famille-qui-s'aimait. Un climat pesant s'installe. Hakim travaille de plus en plus, comme s'il voulait être chez lui le moins possible. Lina va trouver refuge pendant quelques jours chez Marion, une amie d'Emilie et s'y recompose. Emilie, elle, se décompose en attendant son bébé. Sirine se met en tête d'apprendre l'arabe et rencontre Abderahman. Elle commence à tracer sa route de jeune musulmane, s'attachant aux racines de la foi paternelle. Et oui, elle va se marier religieusement à 14 ans, mais son père ne veut pas d'un mariage civil avant ses 18 ans. Et elle l'a décidé, elle sera gynécologue. 

Blandine Gérard nous raconte finement une traversée familiale secouée par les tourments de Lina. Au bout de ce bout de route, chacun a grandi et au fond, en dépit des drames, rien d'autre que cette croissance n'apparaît irréversible. Le roman fait entendre de temps en temps la voix intérieure de Sirine, son point de vue de plus en plus affermi sur ce que doit être sa jeune vie, mais la narratrice se promène aussi souplement entre ses autres personnages, alternant les plans serrés et les plans larges, du récit le plus subjectif à la description la plus objective, entre école, famille, amis. Avec parfois une voix off, à distance : « Naïfs parents...».

Le récit se tend et se détend sans temps morts. Au final, Sirine sort de l'ombre de sa sœur. Y a-t-elle jamais été ? Quand nous refermons le livre, nous réalisons que nous venons de vivre, très naturellement, dans une famille musulmane presque comme les autres. Voilà un premier roman réussi. Né en Belgique, il mériterait de traverser la Méditerranée et d'y être traduit. Et, pourquoi pas, largement diffusé chez nos amis suisses...


Dans l'ombre de ma sœur - Blandine Gérard - Alice - 2008 (112 pages, 8 €)

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