vendredi 27 janvier 2017

Tu ne sais rien de l'amour


C’est un cauchemar ancien qui réveille Nicolas, le narrateur, jeune interne en médecine : le rêve du chien noir. Il ne l’avait pas fait depuis neuf ans. Il en détient désormais la clé mais nous, non. Et au seuil du roman, c’est aussi un message de sa mère qui s’annonce dans cette même nuit, adressé à lui et à Malina. Message inattendu parce qu’inhabituel, surtout flanqué d’une pièce jointe que Nicolas hésite à ouvrir, appréhendant sa lecture comme on redoute la révélation d’un secret qui aurait pesé sur toute votre vie.

Pour que Nicolas ait le courage de la lire, pour laisser au lecteur le temps de comprendre quel peut être son impact sur le narrateur, Mikaël Ollivier nous offre une longue analepse, un voyage dans le temps de quelque 200 pages. Conjuguant un savoir-faire maîtrisé du polar à la densité d’un roman d’apprentissage, il nous défile la vie de Nicolas, comme on parcourrait l’album de photos d’un enfant de sa naissance à l’âge adulte. Mais son récit échappe au feuilletage linéaire, car la plongée dans les eaux profondes du passé passe par divers paliers, dont chacun ménage un nouveau suspense. Le lecteur, en apnée, tourne les pages, s’affole un peu car la remontée est toujours repoussée mais les mots se transforment en oxygène au fil des chapitres.

Non, Nicolas ne sait rien de l’amour, parce qu’il lui a été servi sur un plateau dès l’enfance, aux prix de mensonges maternels et de souffrances paternelles qu’il a ignorés. Passant d’une enfance préservée à une adolescence sous le boisseau, il commence bien à soupçonner que le monde n’est pas celui qu’il croit, que la vraie vie est ailleurs, mais il ne trouve pas la sortie. Jusqu’au jour où la façade maternelle chérie vole en éclats, tandis que la mort du père s’avance inéluctablement comme une autre heure de dévoilement. Il se rend compte brutalement qu’il a vécu cerné de secrets détenus par ceux qu’il aimait le plus : ses parents. Nicolas, entre peur et colère, effondrement et révolte, croit tout perdre alors qu’il est en train de gagner sa liberté, de conquérir son désir.


C’est avec une grande maîtrise du récit, une apparente limpidité que Mikaël Ollivier nous conduit dans la nuit de Nicolas, de révélations en révélations, jusqu’au petit matin.

Tu ne sais rien de l'amour - Mikaël Ollivier - éditions Thierry Magnier (235 pages, 15,90 €)

En podcast sur RCF Loiret (écoutez un extrait du livre à 2:11)

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