vendredi 19 janvier 2018

Passionnément, à ma folie



Quand ce récit commence, Gwenaëlle dite Gwen, 17 ans, est dans la clinique du bien nommé Dr Lacasse pour ramasser les morceaux de son petit moi éclaté par terre et pour essayer de les recoller. Elle est bien persuadée qu’elle va y arriver toute seule, parce qu’elle est bien incapable de s’imaginer autrement que toute seule, au fond du trou qu’elle s’est creusée elle-même. Les amies ont disparu, ne restent que les parents, qui manifestent à chacune de leurs visites combien ils sont, eux aussi, malheureux et incapables de comprendre le geste de leur fille.

Les raisons de sa présence entre quatre murs blancs capitonnés tiennent en effet en deux lettres : TS. Les raisons de sa TS tiennent en une seule initiale, W, W pour William, le beau gosse du lycée dont elle s’est entichée au point qu’il tenait son existence entière entre ses mains. Le jour où il l’a lâchée, Gwen est tombée de très haut, très fort et il n’y avait plus rien ni personne autour d’elle pour la rattraper, tant William avait fait le vide autour de celle qui croyait être aimée absolument, inconditionnellement et pour toujours.

Dans sa clinique, Gwen commence à se souvenir et elle écrit, et le carnet qu’elle remplit de son histoire se fait livre sous nos yeux de lecteur. Le problème, c’est que se rappeler qu’on a été aimée, l’écrire, c’est continuer à penser, envers et contre tout et tous, qu’on l’est encore.

Le chemin est donc long pour Gwen, entre ses griffonnages journaliers et ses rencontres régulières avec le Dr Lacasse, à qui elle ne veut rien dire et dont elle ne veut rien entendre. Jusqu’au jour où…

L’Orléanaise Gwladys Constant nous conte de façon très réaliste l’histoire de l’emprise progressive et irrésistible d’un garçon sur une fille ni plus bête ni plus naïve qu’une autre. On pense évidemment au modèle du « pervers narcissique », très à la mode. Donnant la parole à sa narratrice, notre autrice s’interdit tout commentaire « surplombant ». Les amies, Lucile, rencontrée à la clinique, Claire, que William, horrifié en apprenant qu’elle était lesbienne, lui avait fait rejeter comme d’ailleurs ses autres amies du lycée, et bien sûr le Dr Lacasse, offrent au récit de Gwen des échappées, des trouées de lumière, évitant qu’il ne se réduise à un monologue trop obscur et étouffant.


Avec ce livre, Gwladys Constant fait peut-être mentir Marguerite Duras qui affirmait que « l’écriture ne sauve de rien ». Car c’est bien notamment en écrivant que Gwen remonte peu à peu à la surface de sa vie.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 2:35) :

Passionnément, à ma folie - Gwladys Constantéditions du Rouergue, collection doado (207 pages, 13,20 €)

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