vendredi 9 novembre 2018

Le visiteur de minuit

L'idée du Diable




A force de reclasser le mal dans l’abstraction des idées morales ou des forces obscures, nous avions peut-être oublié qu’il pouvait prendre, au moins dans nos cauchemars, la figure familière du diable. Le plus effrayant aspect de ce fidèle serviteur est sans doute son efficacité, quand il se met au service de nos désirs caressés en secret.

Marie-Aude Murail a écrit cette histoire en 1986 à une période chahutée de sa vie. Pour cette raison, s’y reflètent sans doute ses tourments de l’époque mais aussi leur résolution progressive. Ce texte était destinée à J’aime Lire et elle avait proposé comme titre L’idée du Diable mais la rédaction de Bayard tiqua et Le visiteur de minuit paru plus conforme à l’esprit de la maison, même si le Diable y gardait sa place. Comme elle a pris l’habitude de le faire avec toutes ses rééditions, l’autrice a retravaillé, n’étant plus contrainte par le strict gabarit du magazine.

Le récit tient en quelques mots même si son déroulement est plus complexe qu’il n’y paraît. Nous sommes à Londres, en 1854, où vit Jason Anderson un homme riche et puissant mais qui est le plus malheureux du monde car sa femme est morte et Beatrix, sa fille unique, qui a neuf ans, se meurt à son tour. Son argent n’y peut rien et il enrage de voir que le vieux Mac Neil, son jardinier, a quinze enfants tous bien portants, et notamment le jeune Fergus, son petit dernier, qui a l’âge de Beatrix et vit avec son père. 

Une nuit, Jason reçoit une étrange visite, dont il ne voudra pas savoir s’il l’a appelée ou non de ses vœux. Toujours est-il qu’à la suite de cette rencontre, une succession d’événements semble indiquer que la promesse faite par ce mystérieux personnage est en voie d’exaucement. A quel prix monstrueux ? C’est bien ce qui finit par tourmenter Jason qui, sous prétexte d’avoir des affaires à régler, part en voyage jusqu’au printemps fatidique, fuyant autant le terme fixé par les médecins à la vie de Beatrix que les effets annoncés de la promesse diabolique…

En donnant aux magnifiques acryliques de Christel Espié l’écrin d’un album de très grand format 29 X 36 cm, l’éditeur Albin Michel jeunesse a permis que ce récit, qui se joue des codes du conte traditionnel, souffle intensément le chaud et le froid, la neige et les feux de cheminée, la misère impuissante des riches et la gaieté désarmante des pauvres et par-dessus tout, l’enfance et l’amour rédempteurs.

Écouter cette chronique (extrait lu à 2:31) :



Le visiteur de minuit - Marie-Aude Murail & Christel Espié - album - Albin Michel jeunesse (32 pages, 18 €)

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