Les promesses de l'été 2020 (1)
Avec les 333 pages de cette sixième saison de sa série Sauveur & fils, Marie-Aude Murail poursuit l’exploration de la psyché contemporaine – déjà quelque 1500 pages ! - telle qu’elle se reflète dans le miroir biface du 12 rue des Murlins à Orléans. C’est à cette adresse en effet que Sauveur Saint-Yves, le désormais célèbre psychologue martiniquais, doit se partager, entre son cabinet de consultation côté rue et une famille largement augmentée et recomposée côté jardin. Cette nouvelle saison nous entraîne du 26 novembre 2018 jusqu’à Noël, qui constitue l’épilogue de ces cinq semaines, en forme d’apothéose émue et joyeuse. Ce Noël en rappellera un autre aux lecteurs fidèles de la série, celui de la saison 3, quand Nanou, l’ex-belle-mère de Louise, recevait - et découvrait - Sauveur et sa suite bigarrée (dont Jovo n’était pas le membre le moins surprenant !).
Famille recomposée, home d’enfants ou arche de Noé ? On hésite à caractériser cette tribu joyeuse et tonique d’humains et d’animaux, hamsters, cochons d’Inde et désormais chat puisque Miou y fait son entrée, au grand dam des petits rongeurs. Sauveur ne sait toujours pas dire non à celles et ceux qu’il accueille, recueille, soigne, dans un grand élan d’empathie dont les débordements menacent de mettre en péril, sinon son éthique professionnelle ou sa propre santé mentale, du moins son compte en banque.
L’autrice, elle, épouse résolument la cause de son psy préféré aux côtés de Louise, la peut-être future Mme Saint-Yves, et ne peut donc s’empêcher d’introduire de nouveaux personnages de papier. Ceux-ci prennent chair en quelques lignes et s’inscrivent dans la patientèle du psychologue avec une évidence et une présence telles qu’ils semblent en faire partie depuis le commencement : Sarah l’entendeuse de voix, Ghazil, la petite sœur de Solo, le « maton » de Saran, et bien d'autres, à découvrir dans cette saison, marquée par un événement dramatique.
Le voile pourrait bien se lever publiquement sur le trouble passé de Jovo, de plus en plus "à l'Ouest". Sauveur devra-t-il prendre la décision devant laquelle il a toujours reculé, de saison en saison : se séparer du vieux légionnaire ?
Ella devenue Elliot poursuit sa transition, dont Sauveur ne sait ce qu’il doit en penser jusqu’à ce qu’il se résolve à revoir le jeune homme et son ami Kimi, le dessinateur. Devant l’équilibre qui s’esquisse sous ses yeux, Sauveur va-t-il faire le chemin de pensée et de reconnaissance qu’Elliot attend de lui, dans l'ombre tutélaire de son père ?
Paul et Lazare continuent à grandir ensemble mais leur lien se transforme, se distend. Et depuis que Gabin s’est engagé dans la Marine, Alice s’entraîne aux garçons sans conviction. Va-t-elle supporter longtemps les mains baladeuses de Paulin ? On le sentait venir, on l'attendait : Gabin l’absent prend brutalement de plus en plus de place dans sa tête, dans son cœur, dans son corps. Jusqu'où ?
Dans cette équipe de « boys », Louise se sent un peu seule, surtout depuis qu’elle a perdu le bébé qu’elle attendait (en saison 5). Mais c’est ce qu’elle veut désormais, d’autant plus farouchement : un enfant de Sauveur, qui scellera leur union. Une fille, absolument. Mais la volonté ne suffit pas toujours à déterminer la conception ni a fortiori le sexe d’un nouveau-né…
Comme un bonheur ne vient jamais seul, la saison 6 annonce aussi… une saison 7. Il est loin le temps où Marie-Aude téléphonait in extremis à son éditrice pour lui demander de sous-titrer la couverture du premier Sauveur et fils, « saison 1 »… Que tout le monde se rassure : ce que la saison 6 aura noué, la 7 le dénouera. Avec plus de 130 000 exemplaires vendus en France - près de 60 000 pour la seule saison 1 - et sans doute cinq à dix fois plus de lecteurs et lectrices, la série, traduite désormais en russe et en italien, et bientôt en slovène et en hongrois, poursuit sa course, réunissant toutes les générations.
Pour écouter cette chronique sur RCF Loiret :
Sauveur & fils, saison 6 - Marie-Aude Murail - l'école des loisirs (333 pages, 17 €) - parution le 19 août 2020.
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