Dans ce petit village cévenol où tout le monde se connaît, Pierre est sans doute le plus connu de tous car il s’est assis une fois pour toutes sur le VIIème commandement : « Tu ne voleras pas ». Si bien que chacun sait pertinemment que si quelque chose disparaît chez lui, c’est chez Pierre qu’il faut l’aller rechercher et qu’il ne fera d’ailleurs aucune difficulté pour restituer le produit de son larcin. D’autant que ce qu’il vole n’a souvent aucun intérêt pour lui. Du comportement de Pierre le voleur, point n’est besoin d’en faire une maladie en le taxant de kleptomanie pour attirer l’indulgence du village, qui lui est de toute façon acquise. Même les quatre gendarmes de la localité, Lopez, Sanchez, Martinez et Fernandez, garants de la loi, ont renoncé à se préoccuper des frasques de Pierre puisque les affaires se résolvent de gré à gré entre le voleur et celle qui n’oserait même pas se dire victime.
Seul le curé du village, au contraire du pasteur qui est toute indulgence, verrait bien Pierre mis en prison et il s’indigne fréquemment auprès des autorités supérieures du laxisme qui règne à Saint-Alban du Lingas. Mais sa voix porte peu et Pierre peut donc voler successivement le transistor d’Antonin, les chemises de nuit de Mariette, les planches de Roger, les roues de la Mercédès de Boutefigues, etc. sans que le village s’en porte plus mal. C’est juste l’occasion pour l’auteur, Yves Frémion, d’en brosser le portrait par touches successives, vol après vol pourrait-on dire. C’est même comme si ces divers épisodes faisaient respirer les habitants du lieu, à coups de soupirs mi-agacés mi-attendris.
Les choses pourraient toutefois changer avec l’arrivée d’un renfort saisonnier à la gendarmerie, un certain Dubois, dont le nom ne rime pas avec ses quatre collègues. Pour Dubois, la loi, c’est la loi. Et par un malheureux hasard, un nouveau vol se produit, un cambriolage chez des estivants, des bijoux dans un coffret. Pierre a beau nier, lui qui vole mais ne ment jamais, Dubois n’a pas l’intention de le lâcher et le met en cabane. Pierre le voleur est-il oui ou non coupable, cette fois encore ? La deuxième partie du roman est employée à dénouer cette affaire. Les enfants du village vont y concourir.
Le roman d’Yves Frémion a un doux parfum d’été, de campagne et d'anarchie, empreint de la nostalgie des récits de Pagnol ou de Giono. Il semble que rien de grave ne puisse se passer dans ce village solidaire, hors du monde pressé et stressé qui l’entoure. Mais s’agit-il du dernier témoin d’un passé définitivement révolu ou d’un modèle d’avenir à promouvoir ?
Écouter cette chronique (extrait lu à 02:44) :
Pierre le voleur – Yves Frémion – Le Muscadier – 2020 (98 pages, 10,50 €)
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