dimanche 3 avril 2022

À l'hôtel du Pourquoi-Pas ?

 



Voilà. Il n'y aura pas d'autre livre publié sous cette double signature, « Marie-Aude et Lorris Murail ». À l'hôtel du Pourquoi-Pas ? clôt une aventure éditoriale  de 18 mois, sans doute unique dans les annales de la littérature jeunesse et qui aura abouti à ce qu'on nommera désormais la « trilogie Angie », du prénom de sa jeune héroïne, Angie Tourniquet.

Des circonstances exceptionnelles 

Lorsqu'en mars 2020, Marie-Aude revoit son frère Lorris à Bordeaux, celui-ci est déjà atteint par la maladie de Charcot depuis plusieurs mois. Il confie à sa sœur : « je n'écris plus, je me sens devenir invisible ». D'ailleurs, il a sur son disque dur un manuscrit achevé intitulé Capitaine invisible. Ils écoutent ensemble la déclaration de guerre au Covid du président Macron et l'annonce du confinement. Dans la voiture qui la ramène chez elle, Marie-Aude appelle son frère et lui propose d'écrire à deux, comme ils l'ont déjà fait dans le passé. Dès lors va s'engager une sorte de course : jouer la montre contre la mort,  écrire jusqu'au bout, au temps présent, celui de l'urgence et de la pandémie. Au téléphone tous les jours pour construire et trouver les idées, et pour pouvoir échanger matin et soir par messagerie les textes et les retravailler. Marie-Aude écrit  le jour et Lorris, fidèle à une longue habitude, la nuit. Le soleil ne se couche donc jamais sur le duo créateur. Angie ! Souviens-toi de septembre ! et À l'hôtel du Pourquoi-Pas ?  (quelque 1300 pages !) vont naître de cette coopération intensive qui n'aurait pas été possible sans Natalie, l'épouse de Lorris qui va veiller continûment sur lui  dans leur maison de campagne, avec le soutien d'une formidable équipe médicale animant cette hospitalisation à domicile (« HAD »).

Lorsque Lorris meurt le 3 août 2021, ils en sont à  la page 150. Lorris a envoyé ses derniers fichiers vocaux courant juillet : « Continue sans moi ! ». Marie-Aude lui a promis de terminer l'histoire en cours. Elle lui envoie jusqu’au bout les textes que sa fille Orane, à son chevet, lui lit à voix haute. Avant de terminer, seule.

Un thriller

Ce troisième et dernier volet reprend les personnages principaux campés dans les deux premiers : Angie et sa copine Rose-May, Emma la maman infirmière, leurs voisins de palier, le capitaine Augustin et Capitaine le chienne renifleuse de la brigade des Stups, Thérèse, la pittoresque tante adoptive d'Augustin, Alice Verne la commissaire amoureuse, l’homme de la PJ, le commissaire Félix Hautecloche et bien sûr Xavier Sitbon, le père d'Angie. Cette galerie  va s'enrichir d'un commandant de police en délicatesse avec l'institution, René Lamblin, éjecté aussi de chez lui par sa femme qui l'a sommé de choisir entre un monceau d'archives poussiéreuses entassées dans leur garage et... elle ! Profitant du désœuvrement temporaire d'Augustin, sur la touche depuis l'affaire Lecoq, Lamblin va l’attirer dans son univers d'affaires classées et non résolues qui vont vite passionner… Angie et Rose-May. Vont entrer en scène une autrice de polar aussi célèbre que mystérieuse, Cornelia Finch et un tueur psychopathe qui l'a peut-être inspirée à ses débuts. En s’attachant à un « cold case » qui ressemble étrangement à une des intrigues de la reine du polar - l'enlèvement d'un jeune enfant à bord du paquebot France en 1972 – Augustin ignore à quel point cette affaire va le concerner personnellement.

Mais quand deux puis trois jeunes femmes sont découvertes étranglées, c'est une brûlante actualité criminelle qui se rappelle à nos deux policiers plantés devant leur buffet froid. Cette fois encore, c’est Angie, qui traine au bureau des affaires classées, qui  va avoir les bonnes intuitions. Mais, à s'approcher d’un tueur en série au point de le défier en compagnie de Rose-May avec leur « Chaîne du Crime » postée sur YouTube, ne risque-t-elle pas de mettre sa propre vie en danger ?

Marie-Aude et Lorris Murail ont écrit un thriller à l'intrigue implacable. On a rarement invité un jeune lecteur à se mettre dans la tête et dans la vie quotidienne d'un psychopathe père de famille. Le conte d'avertissement est terrible. Mais le cheminement parallèle d'Augustin vers ses propres origines en fait aussi un récit d'apprentissage. Ce temps manquant et reconstitué va permettre au capitaine de se débarrasser des fantômes qui avaient entravé jusqu'ici sa vie amoureuse et d'alléger le dénouement de la trilogie. Alors, à votre avis, qui va-t-il choisir, Emma ou Alice ? 🙂

Pour écouter cette chronique :



À l'hôtel du Pourquoi-Pas ? - Marie-Aude et Lorris Murail - l'école des loisirs - 23 mars 2022 (409 pages, 17 €)


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