Chères auditrices et auditeurs de RCF Loiret, permettez-moi, tradition oblige en ces premiers jours du mois de janvier 2023, de vous souhaiter d'abord une bonne année. Avec vous, je vais continuer à explorer les richesses infinies de la littérature jeunesse, sous toutes ses formes. Et puisqu'à la fin de ce mois se tient le Festival international de la bande dessinée à Angoulême, la ville où j'ai fait toutes mes études secondaires, je vais vous présenter aujourd'hui une BD venue d'Italie.
Il se trouve que j'ai eu la chance de croiser dernièrement son illustrateur, Sualzo, à Milan. Il se réjouissait que dans son pays, la bande dessinée, qui avait été longtemps considérée comme une sous-littérature tout juste bonne à être vendue en kiosque était en train de produire de vrais livres achetés en librairie et même exportés, en France en l'occurrence.
Nous sommes au bord du lac Trasimène, dans un magnifique paysage du centre de l'Italie, 21 jours avant la fin du monde. C'est du moins ce qu'annonce comme tous les ans un vieux hippie dont la bicyclette affiche chaque jour le chiffre de ce sinistre compte à rebours, qui doit prendre fin le 15 août, au milieu des feux d'artifice tirés ce jour-là, clou de la fête annuelle du village. Lisa aide sa mère Angela qui tient une buvette. Mais ce qui la fait vibrer par-dessous tout, ce sont les cours de karaté qu'elle suit assidûment et dont les préceptes lui tiennent lieu de philosophie de vie. Lisa a une amie indienne, plus jeune qu'elle, assez handicapée par sa surdité, un peu disgraciée par d'énormes lunettes, très pot de colle aussi. Rima vit dans le bungalow d'à-côté et dès qu'elle entend Lisa rentrer, elle la suit immédiatement dans le sien.
Lisa, qui vit seule avec sa mère, est surtout nostalgique d'un petit garçon, Alessandro, qui habite ses meilleurs souvenirs d'enfance. Aless avait brusquement déménagé après la mort de sa mère, entourée de mystère. Parti sans laisser d'adresse. Pour la deuxième fois, Lisa avait alors compris que « les gens peuvent simplement s'en aller sans jamais chercher à vous revoir ».
Or cet été-là, Aless est de retour. Il a grandi. Il est venu frapper chez Lisa, elle l'a reconnu par la fenêtre mais elle n'a pas osé lui ouvrir. Il lui laisse un nouveau signe qui la décide à aller chez lui. Ils vont se retrouver, un peu intimidés par ce qu'ils sont devenus l'un et l'autre mais prêts à reprendre un vieux projet interrompu : la construction d'un radeau.
Silvia Vecchini, la scénariste, promène ses jeunes héros dans ce temps d'enfance grossi comme un fleuve muet par les silences des adultes. Ces silences, elle laisse l'illustrateur les suggérer, les envelopper, en nourrir le paysage, pour en retenir jusqu'au bout la révélation. Lisa veut comprendre, veut savoir ce qui tourmente Alessandro, elle enquête avec l'obstination d'une karatéka qui travaille ses katas sans relâche. C'est ainsi que la vérité finira par céder. Je laisse les derniers mots à Lisa :
« Je m'aperçois qu'il n'y a rien de pire que les silences. Parfois, c'est comme un poids qui te fait couler à pic, ou un filet qui retient une partie de ta vie cachée, dont tu ne soupçonnais même par l'existence. Il arrive parfois que ces silences explosent comme des feux d'artifice. Ils libèrent leur énergie et jettent leur lumière autour d'eux »
Pour écouter cette chronique (court extrait lu à 02:58) :
21 jours avant la fin du monde – Silvia Vecchini – illustré par Sualzo – traduction de l'italien : Marc Lesage - une BD chez Rue de Sèvres (207 pages, 16 €)
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