samedi 5 mars 2016

Comme un feu furieux

Dans la nuit du secret


Avec Comme un feu furieux, Marie Chartres  nous glisse, beaucoup plus doucement que son titre ne l’indique mais non moins fermement, dans une maison où nous percevons progressivement une absence. Nous sommes à Tiksi, port russe de l’océan Arctique, gelé dix mois sur douze. C’est la nuit polaire et chez lui, le père a imposé à ses enfants comme une seconde nuit : les lumières restent éteintes, sauf celles nécessaires pour les repas, pour que Lazar fasse ses devoirs… Galya est la sœur cadette, responsable du petit frère mais aussi la narratrice. Une narratrice qui, c’est le comble, ne sait pas grand-chose, prise dans une troisième nuit, celle du secret, prise comme l’océan immobilisé, qui lâche parfois un cri inarticulé. Besoin de se réchauffer. Dans sa chambre, le grand frère Gavriil est cloitré. Lui n’est pas absent : il s’est absenté. Pourquoi ? Entre lui et son père taiseux, qui travaille dans le sombre du jour et dans la nuit du noir, Galya cherche une sortie. L’absence, lourde, s’est glissée dans tous les cœurs qui s’aiment mais ne savent plus se parler. Qui va briser la glace ? Et si Galya décidait, elle aussi, de s’absenter ? Que deviendrait Lazar ? Et Josiah le bon chien ? Et Gavriil qui se terre ? Et Papa, qui ne montre rien ?

Marie Chartres écrit dans le noir un roman qui nous éclaire peu à peu. Nous cherchons la même chose que la narratrice, nous suivons ses pas, elle s’impose peu à peu comme notre seul recours, notre unique guide dans cette famille, dans cette ville de froid et de neige. Au point que sans elle, nous serions perdus. « Et la nuit à la nuit transmet la connaissance » (Psaume 19), guidée par quelques éclairs de poésie, jusqu’à se faire lumière et vie.

Comme un feu furieux - Marie Chartres - l'école des loisirs (165 pages, 14 €)

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