Dans la nuit du secret
Avec Comme un feu furieux, Marie Chartres nous glisse, beaucoup plus doucement que son
titre ne l’indique mais non moins fermement, dans une maison où nous percevons
progressivement une absence. Nous sommes à Tiksi, port russe de l’océan
Arctique, gelé dix mois sur douze. C’est la nuit polaire et chez lui, le père a
imposé à ses enfants comme une seconde nuit : les lumières restent éteintes,
sauf celles nécessaires pour les repas, pour que Lazar fasse ses devoirs… Galya
est la sœur cadette, responsable du petit frère mais aussi la narratrice. Une
narratrice qui, c’est le comble, ne sait pas grand-chose, prise dans une
troisième nuit, celle du secret, prise comme l’océan immobilisé, qui lâche
parfois un cri inarticulé. Besoin de se réchauffer. Dans sa chambre, le grand
frère Gavriil est cloitré. Lui n’est pas absent : il s’est absenté. Pourquoi ?
Entre lui et son père taiseux, qui travaille dans le sombre du jour et dans la
nuit du noir, Galya cherche une sortie. L’absence, lourde, s’est glissée dans
tous les cœurs qui s’aiment mais ne savent plus se parler. Qui va briser la
glace ? Et si Galya décidait, elle aussi, de s’absenter ? Que deviendrait Lazar
? Et Josiah le bon chien ? Et Gavriil qui se terre ? Et Papa, qui ne montre
rien ?
Marie Chartres écrit dans le noir un roman qui nous éclaire
peu à peu. Nous cherchons la même chose que la narratrice, nous suivons ses
pas, elle s’impose peu à peu comme notre seul recours, notre unique guide dans
cette famille, dans cette ville de froid et de neige. Au point que sans elle,
nous serions perdus. « Et la nuit à la nuit transmet la connaissance » (Psaume
19), guidée par quelques éclairs de poésie, jusqu’à se faire lumière et vie.
Comme un feu furieux - Marie Chartres - l'école des loisirs
(165 pages, 14 €)
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