Un ado vitaminé !
Assigné à lire des pièces de Shakespeare et à les restituer
tous les mercredis après-midi, pendant que ses camarades se rendent, qui à la
synagogue, qui au catéchisme, le jeune Holling Hoodhood, seul de son espèce
presbytérienne semble condamné à un drôle de tête-à-tête avec Miss Baker
pendant toute l’année scolaire 1967-1968. Que lui veut cette étrange
professeure dont le mari vient d’être expédié au Vietnam avec la 101e Division
aéroportée ? A-t-elle jeté son dévolu sur Holling pour en faire son souffre-douleur
? Une sorte d’attachement méfiant se noue pourtant au fil des semaines entre
l’élève et l’enseignante.
Holling ne comprend pas trop non plus ce qui se trame avec
Mery Lee, cette fille de sa classe qui semble se rapprocher dangereusement de
lui. Pour son malheur, Holling a aussi une famille normalement aimante : un
père, l’architecte le plus coté de Long Island, qui a déjà décidé que son fils
lui succéderait, une grande sœur très Flower Power qui rue dans les brancards
et n’a pas trop envie d’être vue avec son débile de petit frère et une mère
qui, comme toutes les mères, essaie de faire tampon entre tout ce petit monde…
Les choses vont encore se compliquer pour Holling quand il
va devoir, sous peine de mort, fournir toute sa classe en choux à la crème de
chez Goldman avec seulement 3,29 $ d’argent de poche, sans oublier de nettoyer
la litière de Sycorax et Caliban, les deux énormes rats en cage de la 5ème, qui
n’aspirent qu’à la liberté. Bref, la vie de collégien, même enrichie de
citations de Shakespeare, n’est pas de tout repos. D’autant que pendant ce
temps-là, l’Amérique rapatrie tous les jours les cercueils d’une jeunesse
embourbée dans une guerre lointaine et sans issue et que, dans le silence de la
haine raciale et des complots politiques, les destins parallèles de Martin
Luther King et de Bob Kennedy vont être scellés.
Gary H Schmidt
réussit un roman d’apprentissage extrêmement drôle jusque dans sa gravité.
Holling Hoodhood nous aspire irrésistiblement dans sa vie quotidienne. Son
tendre fatalisme et sa vitalité désespérée ne sont pas sans rappeler celles
d’un autre pré-ado célèbre en France, l’Émilien de Marie-Aude Murail. Émotions
et fous rires garantis. Bravo aussi à la traductrice, Caroline Guilleminot, qui a su rendre avec une précision
millimétrée un récit au « je » sous understatement permanent.
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