Il était une fois un parâtre...
Nastasia Rugani n’a que 28 ans. Elle a été biberonnée
au Hollandais sans peine (de Marie-Aude Murail) par sa maman, et elle a très
peur de l'ogre. Un jour, la ficelle de son cerf-volant l’a tirée jusqu’en
Amérique où elle a installé ses personnages. Nastasia est un écrivain.
Il y a un grand lac, gelé l’hiver car il fait très
froid, deux sœurs inséparables, on ne sait pas si c’est l’aînée qui protège la
cadette ou l’inverse. Mais c’est la première, Phénix qui raconte. Papa est
parti un 1er juillet sans explications. Depuis cette disparition, maman, pardon
Erika, car Phénix ne peut pas dire « maman », s’est réglée sur mère minimum.
Jusqu’au jour où M. Smith, professeur d’anglais, récupère les deux filles en
panne de vélo, dans la nuit noire. C’est Sacha qui n’a peur de rien, même pas
du méchant loup qui croque les enfants, qui arrête la voiture. Et le gentil
professeur d’entrer dans la maison et de charmer tout le monde. Erika retrouve
le sourire. Mais peu à peu, Jessup - c’est le prénom de M. Smith, mais Cha a
décidé aux beaux jours de l’appeler Jésus - Jessup-Jésus donc, qui ressemblait
au début à un grand frère, va se transformer hideusement, comme dans un conte.
Nastasia Rugani conte avec une précision diabolique le
lent et progressif enfermement de Phénix dans un silence terrifié qui la coupe
progressivement de tout et de tous : les études, ses amies du collège, et même
sa mère, aveuglée et souvent absente. Les coups pleuvent, aléatoirement, sans
raison. Phénix dissimule les marques comme elle peut, invente des chutes, ment pour
protéger Cha encore épargnée. Comme papa est loin, lui qui s’est pourtant enfin
manifesté, comme ses cartes-postales semblent impuissantes. Qui va sauver les
filles de leur bourreau, pervers à deux visages ? Phénix pourra-t-elle renaître
?
Histoire d’une emprise et d’une maltraitance, Tous les
héros s’appellent Phénix est un roman dur, un quasi-polar, écrit sans graisse,
tendu comme une gifle. Mais il provoque le lecteur à une intense empathie. Nous
sommes aux côtés de l’héroïne, à lui souffler de fuir, à souffrir avec elle
jusqu’à crier grâce, pour elle et pour tous les enfants semblablement
martyrisés, à redouter, lecteur impuissant, un dénouement atroce comme un fait
divers. Heureusement, Nastasia Rugani fait poindre un amour timide sur cet
hiver américain et trace le portrait solaire de deux sœurs qui s’aiment avec
une rare intensité. Ce lien-là semble indestructible.
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