vendredi 30 septembre 2016

Songe à la douceur


Peut-être désespérez-vous de comprendre ce qui se passe dans la tête de vos enfants, de vos petits voire de vos arrière-petits enfants ? Avec leurs écouteurs bien enfoncés dans les oreilles, les yeux rivés sur leurs écrans, le portable précieusement vissé dans la main gauche, sont-ils encore accessibles ? Ils semblent avoir plongé dans un monde qui vous échappe définitivement. Serez-vous encore capables de les rejoindre ?
Je vous propose une expérience. Ouvrir une porte qui vous conduira jusque dans leur cœur. Cette porte, ce sont des livres, qui sortent pas dizaines chaque jour, et qui leur sont spécifiquement destinés. La littérature pour la jeunesse, car c’est d’elle qu’il s’agit, est le miroir dans lequel vous allez les retrouver, et vous avec eux, miraculeusement rajeunis. C’est aussi aujourd’hui, une des plus dynamiques et des plus inventives, n’en déplaise aux Goncourt et autre Renaudot.

***

Un exemple entre tous ? En cette rentrée, ClémentineBeauvais publie Songe à la douceur, une invitation au voyage intérieur, qui emprunte son titre au poème de Baudelaire. C’est une histoire d’amour en deux temps, inspirée très librement de l’Eugène Onéguine, d’Alexandre Pouchkine et de celui mis en musique par Tchaïkovski. Mais il n’est nul besoin d’avoir jamais lu Pouchkine ou entendu Onéguine pour se laisser entraîner par ces jeunes héros contemporains, Olga et Tatiana, les deux sœurs, et leurs deux amis, Eugène et Lensky. Comment s’aime-t-on, trop tôt mais irrésistiblement, à 14 ans, à 17 ans ? Et si l’amour, contre toute attente, repasse les plats dix ans plus tard, va-t-on pouvoir se « re-aimer », et de quelle nouvelle façon ?

Clémentine Beauvais a eu l’audace d’écrire un roman en vers libres, comme son prestigieux modèle slave. Quoi de neuf en amour, à l’ère obsédée du téléphone portable et des sms ? Que reste-t-il des premiers émois moulinés à l’alexandrin numérisé ? Amours, amitiés, dans quelles couveuses urbaines naissent, grandissent et meurent aujourd’hui les sentiments ? Et, derrière ces apparences modernes, y a-t-il quelque chose de vraiment changé au royaume des couples ?

Accrochez-vous à la lecture. Ça va très vite, ça zappe, ça virevolte, ça textote. Vous serez peut-être perdus à un moment ou à un autre, entre l’avant et l’après, hier et aujourd’hui, les dialogues et les fors intérieurs, les voix djeunes et les voix off. Mais rassurez-vous, Clémentine Beauvais vous tient fermement la main et ne vous lâche pas. Même si vous avez un peu mal au cœur dans ses montagnes russes, laissez vous emporter, vous arriverez à bon port, un peu étourdis, mais définitivement ravis, comme je l’ai été.


D’ailleurs je ne résiste pas au plaisir de vous laisser quelques instants supplémentaires en compagnie d’Eugène : Clémentine Beauvais lui a prêté sa plume, moi je prête ma voix à Clémentine, vous savez, cette « voix haute » avec laquelle il ne faut surtout pas renoncer à lire des histoires, aux petits comme aux grands, encore et toujours :

(l'extrait est à 3:05) :

Songe à la douceur - Clémentine Beauvais - Sarbacane (240 pages, 15,50 €)

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