Peut-être désespérez-vous de comprendre ce qui se passe dans
la tête de vos enfants, de vos petits voire de vos arrière-petits
enfants ? Avec leurs écouteurs bien enfoncés dans les oreilles, les yeux
rivés sur leurs écrans, le portable précieusement vissé dans la main gauche,
sont-ils encore accessibles ? Ils semblent avoir plongé dans un monde qui
vous échappe définitivement. Serez-vous encore capables de les rejoindre ?
Je vous propose une expérience. Ouvrir une porte qui vous
conduira jusque dans leur cœur. Cette porte, ce sont des livres, qui sortent
pas dizaines chaque jour, et qui leur sont spécifiquement destinés. La
littérature pour la jeunesse, car c’est d’elle qu’il s’agit, est le miroir dans
lequel vous allez les retrouver, et vous avec eux, miraculeusement rajeunis.
C’est aussi aujourd’hui, une des plus dynamiques et des plus inventives, n’en
déplaise aux Goncourt et autre Renaudot.
***
Un exemple entre tous ? En cette rentrée, ClémentineBeauvais publie Songe à la douceur, une
invitation au voyage intérieur, qui emprunte son titre au poème de Baudelaire. C’est une histoire d’amour en deux
temps, inspirée très librement de l’Eugène Onéguine, d’Alexandre Pouchkine et
de celui mis en musique par Tchaïkovski. Mais il n’est nul besoin d’avoir
jamais lu Pouchkine ou entendu Onéguine pour se laisser entraîner par ces
jeunes héros contemporains, Olga et Tatiana, les deux sœurs, et leurs deux amis,
Eugène et Lensky. Comment s’aime-t-on, trop tôt mais irrésistiblement, à 14
ans, à 17 ans ? Et si l’amour, contre toute attente, repasse les plats dix
ans plus tard, va-t-on pouvoir se « re-aimer », et de quelle nouvelle
façon ?
Clémentine Beauvais a eu l’audace d’écrire un roman en vers
libres, comme son prestigieux modèle slave. Quoi de neuf en amour, à l’ère obsédée
du téléphone portable et des sms ? Que reste-t-il des premiers émois
moulinés à l’alexandrin numérisé ? Amours, amitiés, dans quelles couveuses
urbaines naissent, grandissent et meurent aujourd’hui les sentiments ? Et,
derrière ces apparences modernes, y a-t-il quelque chose de vraiment changé au
royaume des couples ?
Accrochez-vous à la lecture. Ça va très vite, ça zappe, ça
virevolte, ça textote. Vous serez peut-être perdus à un moment ou à un autre, entre
l’avant et l’après, hier et aujourd’hui, les dialogues et les fors intérieurs, les
voix djeunes et les voix off. Mais rassurez-vous, Clémentine Beauvais vous
tient fermement la main et ne vous lâche pas. Même si vous avez un peu mal au
cœur dans ses montagnes russes, laissez vous emporter, vous arriverez à bon
port, un peu étourdis, mais définitivement ravis, comme je l’ai été.
D’ailleurs je ne résiste pas au plaisir de vous laisser
quelques instants supplémentaires en compagnie d’Eugène : Clémentine
Beauvais lui a prêté sa plume, moi je prête ma voix à Clémentine, vous
savez, cette « voix haute » avec laquelle il ne faut surtout pas
renoncer à lire des histoires, aux petits comme aux grands, encore et toujours :
(l'extrait est à 3:05) :
Songe à la douceur - Clémentine Beauvais - Sarbacane (240 pages, 15,50 €)
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