Au seuil de la littérature, alors que l’écrit est encore pour
le tout-petit « une source close, une fontaine scellée », telle la
fiancée du Cantique des cantiques, c’est l’image qui lui fait signe et lui
dit : « Viens, entre chez moi sans peur ». « Chez
moi », c’est-à-dire dans la forêt des contes, dans l’univers des
albums : autant de portes colorées qui vont conduire doucement l’enfant jusqu’au
monde des lettres.
Confortablement installés, l’enfant sur vos genoux, ou assis
dans son lit et vous à côté de lui, ouvrez grand le livre et commencez la
lecture à voix haute, cette clé de tous les apprentissages ultérieurs. Une
petite main vous arrête parfois, corne la page, revient en arrière, s’attarde
sur une image. Lui dit « sa » et vous, vous reprenez :
« chat », renouant inlassablement avec le fil interrompu du récit.
Les enfants réclament souvent le même album, la même histoire, puisant dans
cette répétition l’assurance que leur donne aussi leur doudou. C’est cette
répétition qui va fonder leur désir de nouveau, qui sera un jour indéracinable.
Alors que les mots ne sont encore que des signes muets, la
beauté des images les précèdent. Et il faut bien avouer que nous sommes gâtés
par ces immenses artistes que sont les illustrateurs, femmes et hommes, si
nombreux et si divers aujourd’hui.
***
Ce n’est pas
un album récemment paru que j’ai choisi de vous présenter. Papa sur la Lune, d’Adrien Albert, a été publié par l’école des
loisirs en avril 2015. Mais il conte l’histoire intemporelle d’une petite fille,
Mona, qui va passer son week-end chez papa. De ce déplacement bien ordinaire,
que vivent chaque semaine des milliers d’enfants dont les parents sont séparés,
Adrien Albert a fait un voyage aussi spécial que spatial : bien obligé,
puisque papa est parti habiter… sur la Lune.
Maman a
préparé soigneusement le départ : combinaison, fusée, vaisseau, capsule
et… doudou, rien ne manque à cette mission Apollo hebdomadaire. A l’arrivée sur
la Lune, le week-end chez Papa tient sur une page de neuf cases, dans
lesquelles l’enfant peut identifier autant de moments de sa vie là-haut :
« Mona fait de la patinette », « Mona joue avec Papa »,
« Papa sèche les cheveux de Mona », etc. Et déjà, c’est dimanche
soir, il faut revenir sur Terre.
D’une
situation devenue banale, mais pas toujours facile à vivre, Adrien Albert a su
faire un conte moderne et décalé, habillé de couleurs optimistes, tantôt vives,
tantôt pastel, où chaque acteur, père, mère et enfant met du sien pour que tout
se passe au mieux, en dépit de l’éloignement. La ligne claire du dessin fait
penser irrésistiblement à l’album d’Hergé, On
a marché sur la Lune.
Et quelle
émotion de se tenir près d’un tout-petit, un si bel album entre les mains.
Allez, vous êtes bien calés tous les deux ? Pour cette fois, c’est moi qui
lis, vous allez peut-être m’entendre tourner les pages…
Papa sur la Lune - Adrien Albert - l'école des loisirs (36 pages, 12,70 €)
En podcast sur RCF Loiret (je vous lis l'album à 2:50 mais... sans les images !) :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire