vendredi 7 avril 2017

Tempête au haras



Les histoires de cheval, on pense généralement que c'est pour les filles, qui ont toutes commencé par parfumer leurs poneys chéris avec l'eau de toilette de maman, avant de dévorer les nombreuses séries consacrées aux canassons. Avec Tempête au haras, Chris Donner revirilise sérieusement la thématique. A la question : pourquoi les hommes adorent-ils les chevaux ? il répond : « à cause de la vitesse. » Quant à savoir ce que les chevaux ont en commun avec les humains, c'est simple : « l'envie de gagner. » Jean-Philippe est né dans un haras. Plus exactement dans le box d'une pouliche en train de mettre bas. Alors si Jean-Philippe n'est pas un poulain, il vit depuis sa naissance dans une communion extrême avec la gent équine. 

Cette communion ne va même pas être entamée ce soir d'orage épouvantable où la dernière-née de Belle Intrigante lui sectionne la moelle épinière d'un coup de sabot affolé. C'est l'année des T pour les pur-sang. La pouliche coupable ne sera pas abattue : « c'est peut-être un crack » plaide Jean-Philippe sur son lit d'hôpital. Elle ne s'appellera pas non plus Tétraplégique comme le propose avec humour sa jeune victime mais Tempête. Merci, Dédé. « Très bien, Tempête, très approprié ». Oui, car Tempête va aller très vite et sera la vengeance de Jean-Philippe, une vengeance d'amour intense, sans larmes, sans pathos, qui m’avait fait refermer le livre d'un « Chapeau, Donner ! » C’était en 2012.

Cinq ans après, Chris Donner nous propose de relire son récit mis en images par Jérémie Moreau. Cela donne une BD au grand air, sous les ciels chargés de la Normandie, sur les pistes de courses enfiévrées, dans les écuries et en pleine nature, la nuit ou le jour, nuit et jour plutôt car la passion des éleveurs de cracks ne connaît pas de repos. L’album peut se lire comme un documentaire sur le monde de l’élevage et des courses. Mais il est bien plus que cela. Et c’est avec de superbes planches muettes que Jérémie Moreau nous fait le mieux sentir le rapport quasi animal entre l’homme et sa plus noble conquête. L’escapade nocturne de Jean-Philippe et de Tempête, sur quatre pages sans paroles, est sans doute l’un des sommets de l’album, avec les cinq pages de tempête normande qui, peu avant, ont scellé le destin du jeune garçon : pages combien éloquentes pour évoquer l’élan, la vitesse, la complicité, le pur bonheur d’une griserie volée à la prudence et au mauvais sort.

Si vous aimez les chevaux, lisez cet album. Si vous ne les aimez pas, lisez le aussi. Pour le cas où vous seriez de surcroît allergique à la BD, n’hésitez pas à vous procurer le livre.



Tempête au haras (BD) - Chris Donner, Jérémie Moreau - Rue de Sèvres (72 pages, 14 €)

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