Editeur
engagé, comme le sont ses auteurs, Le muscadier propose dans sa collection Rester vivant nouvelles et romans qui
parlent du monde d’aujourd’hui et posent sur celui-ci un regard exigeant et
critique. La Virée nomade que nous
raconte Alain Bellet, qui se définit lui-même comme « un écrivain impliqué
dans la cité », projette au cœur du désert saharien sept adolescents en
rupture de ban.
Un juge des
mineurs leur a présenté cette insolite alternative : ou bien rester en
France, en détention préventive, jusqu’au procès en assises ; ou bien
partir au pays des Touaregs, dans le cadre d’un centre d’éducation renforcée.
Maxou, 16
ans, n’a pas trop hésité. En découvrant les six compagnons de ce singulier
voyage, il décide de ne pas trop se lier avec eux. Lui voudrait bien faire
quelque chose de ce sursis qui lui a été accordé. Les autres non. Alain Bellet,
au départ de la caravane, se glisse dans la tête de Maxou et ne va plus la
quitter, pour nous faire découvrir le désert, la vie des Touaregs et ce qui,
dans un autre temps et dans un autre monde, chemine lentement dans la tête et
dans le cœur de l’adolescent.
Confronté au
désert qui, pour ses compagnons, n’est pas autre chose qu’une prison sans
barreau, Maxou rentre en lui-même, revisite sa vie passée, la mort de son père,
l’école qui l’avait lâché brusquement, les mauvaises fréquentations, la bande,
l’arrestation. Son seul viatique, c’est le souvenir de Marine qu’il retrouve
chaque soir comme une étoile imaginaire, proche et lointaine, quand il va
s’assoir tout seul au sommet d’une dune.
Une nuit,
deux irréductibles choisissent de fuir, avec un chameau, quelques provisions,
comme s’ils s’évadaient. Livrés à eux-mêmes dans le désert, perdus dans son
immensité sans repères, leur pronostic de survie est faible : quatre
jours, cinq peut-être. Maxou ne sait pas ce qu’il va advenir d’eux et dans la
caravane, personne ne semble s’émouvoir de leur sort, les laissant libres du
choix qu’ils ont fait.
Alain Bellet
nous conte « la fuite monotone et sans hâte du temps » comme jadis
Jean Ferrat chantait d’autres nomades. Il nous fait arpenter cette nature épurée
où l’homme ne peut plus échapper à lui-même. En éprouvant pendant plusieurs
semaines la fatigue, le trop peu de nourriture, la ration d’eau quotidienne,
les ampoules aux pieds, Maxou se sent enfin vivant comme jamais il ne l’a été.
Au contact
des hommes bleus, dans ce Sahara que Théodore Monod avait nommé « le vrai
squelette du monde », une sorte d’utopie pénètre lentement le corps et
l’âme de l’adolescent et nous, les lecteurs, nous nous mettons nous aussi peu à
peu à cette « école d’humilité absolue » dont Alain Bellet nous offre
la description fascinante.
Virée nomade - Alain Bellet - Le Muscadier (69 pages, 8,50 €)
En podcast sur RCF Loiret (écoutez un extrait à 2:52)
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