vendredi 8 décembre 2017

Les porteurs #2 - Gaëlle

Quand une fille entre en résistance...



Le 19 mai dernier, je vous avais présenté ici même le premier volume des Porteurs, une trilogie écrite par C. Kueva - C pour Catherine. Dans ce roman d’anticipation, l’auteur, qui ne veut pas se dire autrice, nous transportait dans une société post-apocalyptique où le genre des individus n’est plus donné à la naissance mais choisi à 16 ans. Comme pour conférer son plein sens à la formule psycho-sociologique de Simone de Beauvoir : on ne naît pas femme, on le devient. Sauf que dans ce monde-là, la formule est biologique et s’applique aussi aux garçons potentiels.

Le premier tome était centré sur Matt, qui s’avérait être porteur d’une anomalie génétique rendant le traitement de sexuation inopérant. Matt se voyait donc condamné à rester neutre, ni homme ni femme pendant de longues années, ce qui ne faisait pas l’affaire de son amie Gaëlle déjà en route vers son destin assumé de femme amoureuse, et qui se retrouvait face à un être humain inachevé.

Dans ce deuxième tome, centré sur Gaëlle, nous reprenons l’histoire là où s’était achevée la première partie : à la mort brutale de Lou, assassiné par balles dans un parc public, sans mobile apparent. Crime crapuleux, passionnel ou crime d’Etat ? Nul ne le sait. Mais Gaëlle, jalouse de l’ascendant que ce Lou un peu mystérieux semblait avoir pris sur Matt, se sent à la fois soulagée et coupable de cette mort dont elle est en partie responsable. C’est elle qui, ce jour-là, avait donné rendez-vous à Lou dans le jardin.

Suit une longue analepse (ou un flashback si vous préférez la version anglaise). L’histoire semble repartir au début, sauf que tout est vu désormais du point de vue de Gaëlle. De son côté, il y a en effet de sérieux blancs à explorer, que le tome 1 avait laissé de côté. Gaëlle vit seule avec sa mère qui ne lui a jamais rien dit de son père, si ce n’est qu’il était parti. Secret de famille ? La mère de Gaëlle est une sorte de résistante : elle travaille avec une militante de l’accouchement naturel, alors que la norme pour toutes les femmes qui accouchent, c’est la césarienne. Ce groupe de santé dissident est mal vu par les services de l’Etat qui ont mis sous tutelle non seulement la fonction de sexuation mais aussi celle de reproduction. Gaëlle va bientôt rencontrer d’autres résistants à l’ordre établi, en la personne du jeune Filippi et de son grand-père Tonio, deux naturalistes qui cultivent en toute illégalité des plantes traditionnelles et en tirent des remèdes clandestins. Tandis que Matt, fuyant et indéterminé, disparaît de plus en plus souvent, irrésistiblement séduit par Lou, Gaëlle ne reste pas insensible au charme rebelle de Filippi, un « vrai » garçon. D’autant que Gaëlle et Filippi se découvrent beaucoup de choses en commun. Gaëlle a un autre souci. Son amie Flo refuse de choisir un sexe et de subir le traitement qui la transformerait en homme ou en femme. Si Matt ne peut pas, Flo, elle, ne veut pas. Mais en a-t-elle le droit ?

Dans ce deuxième tome, Kueva développe l’univers aussi attirant que menaçant mis en place dans le premier. D’un côté, la vie sans les soucis du genre jusqu’à 16 ans semble permettre un développement harmonieux des êtres. De l’autre côté, des mensonges d’Etat sont bien entrevus mais ils sont trop gros pour être dénoncés : d’ailleurs, la vérité n’est-elle pas trop effrayante pour qu’on puisse s’y confronter ? L’Histoire n’a-t-elle pas été réécrite pour la masquer ? Les porteurs sont-ils des êtres déficients ou exceptionnels ? Gaëlle se bat et se débat dans un monde dont elle cherche les clés, non sans courage. Qui les détient ? Le pouvoir établi ou ceux qui lui résistent ? Et qui est vraiment Lou ? C’est à suivre…

Les porteurs, #2 – Gaëlle – C. Kueva – éditions Thierry Magnier (330 pages, 14,90 €)

Pour réécouter la chronique diffusée sur RCF Loiret (extrait lu à 3:53 )



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Francœur - À nous la vie d'artiste !

  Comment devient-on artiste ? Vous avez 12 ans et vous écrivez, tantôt des poèmes, tantôt ce que votre mère appelle « tes petits romans » ;...