Quand une fille entre en résistance...
Le 19 mai dernier, je vous avais présenté ici même le premier volume des Porteurs, une trilogie
écrite par C. Kueva - C pour Catherine. Dans ce roman d’anticipation, l’auteur,
qui ne veut pas se dire autrice, nous transportait dans une société
post-apocalyptique où le genre des individus n’est plus donné à la naissance
mais choisi à 16 ans. Comme pour conférer son plein sens à la formule psycho-sociologique
de Simone de Beauvoir : on ne naît pas femme, on le devient. Sauf que dans
ce monde-là, la formule est biologique et s’applique aussi aux garçons
potentiels.
Le premier tome était centré sur Matt, qui s’avérait être
porteur d’une anomalie génétique rendant le traitement de sexuation inopérant.
Matt se voyait donc condamné à rester neutre,
ni homme ni femme pendant de longues années, ce qui ne faisait pas l’affaire de
son amie Gaëlle déjà en route vers son destin assumé de femme amoureuse, et qui
se retrouvait face à un être humain inachevé.
Dans ce deuxième tome, centré sur Gaëlle, nous reprenons
l’histoire là où s’était achevée la première partie : à la mort brutale de
Lou, assassiné par balles dans un parc public, sans mobile apparent. Crime
crapuleux, passionnel ou crime d’Etat ? Nul ne le sait. Mais Gaëlle,
jalouse de l’ascendant que ce Lou un peu mystérieux semblait avoir pris sur
Matt, se sent à la fois soulagée et coupable de cette mort dont elle est en
partie responsable. C’est elle qui, ce jour-là, avait donné rendez-vous à Lou
dans le jardin.
Suit une longue analepse (ou un flashback si vous préférez la
version anglaise). L’histoire semble repartir au début, sauf que tout est vu
désormais du point de vue de Gaëlle. De son côté, il y a en effet de sérieux
blancs à explorer, que le tome 1 avait laissé de côté. Gaëlle vit seule avec sa
mère qui ne lui a jamais rien dit de son père, si ce n’est qu’il était parti. Secret de famille ? La mère
de Gaëlle est une sorte de résistante : elle travaille avec une militante
de l’accouchement naturel, alors que la norme pour toutes les femmes qui
accouchent, c’est la césarienne. Ce groupe de santé dissident est mal vu par
les services de l’Etat qui ont mis sous tutelle non seulement la fonction de
sexuation mais aussi celle de reproduction. Gaëlle va bientôt rencontrer
d’autres résistants à l’ordre établi, en la personne du jeune Filippi et de son
grand-père Tonio, deux naturalistes qui cultivent en toute illégalité des
plantes traditionnelles et en tirent des remèdes clandestins. Tandis que Matt,
fuyant et indéterminé, disparaît de plus en plus souvent, irrésistiblement séduit
par Lou, Gaëlle ne reste pas insensible au charme rebelle de Filippi, un
« vrai » garçon. D’autant que Gaëlle et Filippi se découvrent
beaucoup de choses en commun. Gaëlle a un autre souci. Son amie Flo refuse de
choisir un sexe et de subir le traitement qui la transformerait en homme ou en
femme. Si Matt ne peut pas, Flo, elle, ne veut pas. Mais en a-t-elle le
droit ?
Dans ce deuxième tome, Kueva développe l’univers aussi
attirant que menaçant mis en place dans le premier. D’un côté, la vie sans les
soucis du genre jusqu’à 16 ans semble permettre un développement harmonieux des
êtres. De l’autre côté, des mensonges d’Etat sont bien entrevus mais ils sont
trop gros pour être dénoncés : d’ailleurs, la vérité n’est-elle pas trop
effrayante pour qu’on puisse s’y confronter ? L’Histoire n’a-t-elle pas été
réécrite pour la masquer ? Les porteurs sont-ils des êtres déficients ou
exceptionnels ? Gaëlle se bat et se débat dans un monde dont elle cherche
les clés, non sans courage. Qui les détient ? Le pouvoir établi ou ceux
qui lui résistent ? Et qui est vraiment Lou ? C’est à suivre…
Les
porteurs, #2 – Gaëlle – C. Kueva – éditions Thierry Magnier (330 pages, 14,90 €)
Pour réécouter la chronique diffusée sur RCF Loiret (extrait lu à 3:53 )
Pour réécouter la chronique diffusée sur RCF Loiret (extrait lu à 3:53 )
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