vendredi 9 février 2018

L'aube sera grandiose

La promesse d’une aube





C’est bien connu : pour atteindre l’aube sans risquer de la rater, il vaut mieux veiller toute la nuit. C’est dans une vieille cabane au bord d’un lac, retirée du monde, que Nine, 16 ans, se voit entraînée par sa mère, au terme d’un long périple dans une Opel déglinguée ; une Nine quasiment kidnappée, en tout cas arrachée en cette fin de mois de juin à la fête de son lycée, à ses amies, au beau Marcus... Titania, la reine des fées et accessoirement la reine du polar n’avait jamais parlé de cet endroit à sa fille. D’ailleurs, elle ne lui a jamais dit grand-chose de ce qui aurait pu la concerner : qui est son père, qui est sa grand-mère, son grand-père, a-t-elle eu des oncles et des tantes, etc. Nine s’est accommodée de cette mère sans mémoire, fantasque et mystérieuse, mais Titania, pour une raison qu’on ne découvrira qu’à la page 287, a décidé que le jeu de cache-cache avec le passé était terminé. Elle peut enfin déballer sa vie, ouvrir la première poupée russe – elle-même – puis la seconde, sa mère Rose-Aimée, cette grand-mère que Nine ne connaît pas plus qu’elle ne connaissait sa mère jusqu’à ce jour.

Anne-Laure Bondoux entraîne son lecteur au bout de la nuit dans un récit qui se dédouble en permanence, du présent au passé. Pendant que Nine apprivoise la cabane et les souvenirs qui l’enveloppent progressivement, Consolata – Titania n’est que son pseudo d’autrice – tente d’apprivoiser sa fille qui découvre le long mensonge par omission et par invention qu’a été la vie de sa mère duplice. L’horloge tourne, les années défilent et l’incroyable histoire de Consolata se reconstitue pour Nine et pour le lecteur.

A chaque interruption du récit, nous nous retrouvons seuls dans la cabane avec Titania et Nine, une mère et sa fille et nous n’avons qu’une envie, comme Nine, tantôt ébahie tantôt agressive : que ça continue. Et alors ? Et après ? Raconte, qu’est-ce qui s’est passé ? Que m’as-tu encore caché ? Et par la magie du récit qui reprend, la cabane se repeuple et Nine oublie où elle est, et nous avec elle.

Au terme de cette nuit de paroles, lorsque l’aube pointe comme Consolata l’avait promis, lorsque les fantômes du passé, convoqués par elle, s’apprêtent à se matérialiser dans la cabane magique, Antonine alias Nine a brusquement sa dose de vérités en tout genre, finalement pas toutes si grandioses que ça. Elle s’enfuit et plonge dans le lac, comme pour échapper à cette ultime révélation. Consolata vient-elle de perdre sa fille ?

J’ajoute que le livre d’Anne-Laure Bondoux a reçu le prix Vendredi qui récompense un ouvrage francophone destiné aux plus de 13 ans et qui était décerné pour la première fois en 2017.

Pour écouter cette chronique (lecture de l'extrait à 2:32) :





L’aube sera grandiose – Anne-Laure Bondoux - Gallimard Jeunesse (302 pages, 17 €)

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