vendredi 8 juin 2018

Les étrangers



Il y a des jours où tout semble se défaire, mystérieusement. C’est la fin de quelque chose, ce n’est pas encore le commencement d’autre chose. La voie semble libre, mais il n’y a plus de voie. C’est le sentiment qu’éprouve Basile à la fin de son année scolaire, en regardant Lou s’en aller, sans qu’il ait osé lui parler. Par habitude, Basile quitte le collège avec son copain Simon mais sans savoir pourquoi il quitte le chemin qui l’aurait ramené chez lui et se retrouve dans la gare désaffectée de sa ville, où plus aucun train ne passe. Et il s’arrête là, assis sur le quai désert, attendant il ne sait quoi.

Ce qui s’ouvre alors pour Basile, c’est la possibilité qu’il lui arrive quelque chose et peut-être quelqu’un. Et en effet, là-bas, sur les voies envahies par les mauvaises herbes, apparaissent un garçon et un chien. Quand ils sont devant lui, Basile croit reconnaître Gaëtan, un copain de primaire qu’il avait perdu de vue, parce que Gaëtan s’était perdu lui-même. « Punk à chien » pense Basile. Mais en peu de mots, il décide de suivre ce garçon qui vit dans une vieille rame Corail et qui lui propose de partager son maigre dîner, du riz cuit sur un réchaud à gaz. D’un petit sms mensonger, Basile rassure sa mère : il va dormir chez Simon, qu’elle ne s’inquiète pas. Pour Basile et Gaëtan, c’est une longue nuit qui commence, qui va se peupler d’ombres surgies de nulle part.

Éric Pessan et Olivier de Solminihac ont uni leurs voix pour raconter l’histoire invisible de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants réfugiés dans les interstices de notre monde et qui cherchent une issue, pourchassés par les gendarmes et proies pour les mafias qui exploitent leurs misères et leurs rêves.

Au passage, les deux auteurs nous parlent surtout de ces justes qui ont décidé d’ouvrir leurs cœurs et leurs portes et qui hébergent, nourrissent, réconfortent ces nouveaux damnés de la Terre. Il y a un très beau portrait de Mamie, cette sage-femme à la retraite, qui sait ce que vaut une vie et qui, du fond de sa bonté, n’a peur de rien ou presque.

A l’issue de sa plus longue nuit, qui s’achève dans une gendarmerie, Basile aura compris beaucoup de choses sur ceux qu’on nomme « les étrangers ». Et nous avec lui.

Ecouter cette chronique (extrait lu à 2:16) :

Les étrangers – Éric Pessan et Olivier de Solminihac – l’école des loisirs (125 pages,  13 €)

Lire aussi la critique de LU cie & co.

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