Plus belle la vie, repeinte avec quelques mensonges...
Je vous ai déjà parlé de l’autrice Gwladys Constant. Ce n’est pas uniquement parce qu’elle est orléanaise et habite à deux pas de chez moi. Livre après livre, elle inscrit obstinément sa musique personnelle dans le concert très riche de la littérature pour la jeunesse, la « LJ », comme on dit entre familiers des rayonnages pour enfants et ados. MythoMamie nous offre un nouvel échantillon de son talent, avec la rencontre improbable entre Alphonsine, une post-adolescente qui a divorcé prématurément de l’école pour incompatibilité d’humeur et Hortense, une fringante vieille dame indigne qui ment comme elle respire, parce que, naturellement, plus belle est la vie quand on la repeint tous les jours.
Si la rencontre s’opère entre Alphonsine et Hortense, c’est d’abord pour une raison matérielle très concrète. Après son épisode de « phobie scolaire » – bien commode cette nouvelle maladie – Alphonsine s’est pris trois beignes de sa tante Violette, qui assure occasionnellement l’intérim d’une autorité paternelle portée disparue. A la troisième, Alphonsine se retrouve engagée chez Violette à domicile, la petite entreprise de service à la personne qu’a fondée sa tante à claques. C’est pourquoi Alphonsine se retrouve un beau matin en face d’Hortense la Terreur, qui a déjà usé quelques aides à domicile…
On comprendra au fil du récit que si Hortense et ses mensonges de mamie mythomane fascinent immédiatement Alphonsine, c’est parce que la jeune fille a grandi elle-même sous les auspices d’un gros mensonge qui pèse sur elle sans qu’elle s’en aperçoive depuis l’âge de six mois. Ce poids n’a pas échappé à Hortense, experte en la matière et c’est sans doute la raison intime pour laquelle elle adopte en retour sa jeune employée. L’irascible mémé lui suggère d’emblée de changer de prénom pour commencer à s’alléger. Ce sera Daphné, pour ne plus avoir à trimballer Alphonsine.
On retrouve les techniques romanesques employées par Gwladys Constant dans un précédent roman, Passionnément, à la folie, que je vous ai présenté à ce micro. C’est Alphonsine la narratrice qui nous ouvre son journal intime, qu’elle nomme sa « collection d’Hortense », où elle développe une analepse grosse de son chagrin. Mais on trouvera aussi dans MythoMamie un ton nouveau, direct, cru parfois, à l’image de cette octogénaire terrible à qui rien ne semble résister, et surtout pas Alphonsine-Daphné qui va découvrir au contact d’Hortense sa propre liberté. MythoMamie, au fond, est un roman d’apprentissage croisé : l’une grandit pour que l’autre puisse s’en aller.
J’ajouterai que les « personnes âgées » jouent rarement les premiers rôles en LJ. MythoMamie fait exception. Il incitera le lecteur à radier définitivement cette appellation désuète de son vocabulaire. D’Alphonsine ou d’Hortense, la plus vieille, la plus libre, n’est pas celle qu’on croit. C’est pourquoi je recommanderai chaleureusement ce roman intergénérationnel pour tous les jeunes de 7 à 77 ans !
Écouter cette chronique (extrait lu à 2:47) :
MythoMamie – Gwladys Constant – ‘ALICE collection Tertio – 2017 (208 pages, 13 €)
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